Avis du pôle scientifique de Kinesport
Pastille verte
Pastille verte
Cet essai clinique randomisé en simple aveugle est un article à faible risque de biais, tous les critères méthodologiques majeurs sont respectés permettant de limiter et contrôler au mieux les biais dans leur étude.
L’entrainement en réduction du flux sanguin (Blood flow restriction ; BFR) pourrait être une stratégie efficace pour pallier à ces carences en réhabilitation. Le BFR a été introduit par le Dr SATO au Japon et consiste en la compression proximale d’un ou de plusieurs membres à l’aide de manchons compressifs afin de réduire l’afflux sanguin artériel et de bloquer le retour veineux. L’entrainement avec BFR a déjà montré son efficacité, par exemple sur l’amélioration du temps de retour au sport (RTS) après opération du ligament croisé antérieur (Jack et al. 2022), ou encore sur l’amélioration du pic de force des ischios-jambiers et du quadriceps sur des atrophies musculaires faisant suite à une arthroscopie (Noyes et al. 2021). De plus, l’entrainement avec BFR associé à un entrainement à basse intensité donnerait des résultats similaires à l’entrainement à haute intensité en termes de force musculaire et d’hypertrophie, et il entrainerait une diminution de la douleur et de l’accumulation liquidienne dans les articulations (Hughes et al. 2019). L’hypertrophie par exercice avec BFR a fait l’objet de nombreuses études et serait dû à l’augmentation de lactates sanguins, de calcium, de myokine dérivé du muscle ainsi qu’à l’augmentation de l’acidité du sang ; tous ces phénomènes sont retrouvés suite à un entrainement à haute intensité.
Cependant, le rôle du BFR dans la récupération fonctionnelle du genou après ménisectomie partielle par arthroscopie reste flou, et il conviendrait de voir si son utilisation peut suffire à pallier l’insuffisance de l’entraînement sur la récupération de force et de fonction dans la rééducation postopératoire de ces blessures. Cette étude part donc de l’hypothèse que l’entrainement avec BFR combiné aux routines habituelles de rééducation améliorerait la force du quadriceps ainsi que la fonction du genou, et serait donc à intégrer aux réhabilitations des ménisectomies partielles opérées.
Méthode
Cette étude est un essai clinique randomisé en simple aveugle (un seul évaluateur) suivant un plan de prise de mesures entre tous les sujets. Les 40 patients inclus ont tous été opérés d’une méniscectomie partielle sous arthroscopie à l’hôpital orthopédique de Sichuan entre le 1 juillet 2021 et le 30 septembre 2021 et ont été aléatoirement répartis en deux groupes :
- 20 sujets dans le groupe routine de rééducation (rehabilitation routine ; RR)
- 20 sujets dans le groupe RR + BFR (19 dans chaque groupe à la fin suite à 2 abandons)
En tenant compte du fait que les sujets ainsi que les praticiens n’étaient pas en aveugle, les évaluateurs n’ont pas été informés du groupe auquel appartenaient les participants. Les deux groupes ne présentaient pas de différences significatives de données de base telles que le poids, l’âge, le sexe, la taille, la durée de la blessure, la pression d’occlusion des membres (LOP) et la 1RM.
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5 minutes d’échauffement : tractions et marche / course libre sur elliptique
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Mobilisation active du genou en flexion et extension, 3 x 10 répétitions
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Squat entre 0 et 90° de flexion, 3 x 10 répétitions avec 30 secondes de repos entre les séries
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Travail de la marche, 5 minutes
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Presse en chaîne fermée sur le German GYM80 dans une amplitude de 0 à 90° de flexion de genou ; la charge était réglée à 30% de la 1RM, chaque série a été répétée 30, 15, 15 et 15 fois à tour de rôle soit un total de 4 séries, avec 30 secondes de repos entre chaque
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Ankle Pump exercice (activation de la pompe vasculaire du mollet) et compresse de glace, 3 x 10 répétitions
Les patients du groupe RR + BFR ont effectué un travail spécifique en plus de la routine précédente. Ils ont été équipés par un système d’occlusion portatif automatique (Delfi Medical, Vancouver, Canada) permettant d’assurer une LOP constante par un contrôle précis de la pression du brassard. Le manchon compressif a été positionné sur la partie proximale de la cuisse des participants et a été réglé à 80% de la LOP pendant qu’ils effectuaient un exercice de presse en chaîne fermée à basse intensité. 30 secondes de repos étaient accordées entre chaque série.
Prises de mesures
La force du quadriceps a été analysée par isocinétisme avec le CON-TREX® MJ, et les valeurs sélectionnées étaient le pic de force et la puissance moyenne.
L’épaisseur du quadriceps a été analysée par échographie grâce au SuperSonic® MACH 40, pendant que les patients étaient relâchés et allongés sur le dos. Elle a été définie par la plus grande distance visible entre l’aponévrose musculaire superficielle et profonde. L’épaisseur de chaque muscle (droit fémoral, vaste médial, vaste latéral et vaste intermédiaire) a été relevée, sur 3 clichés différents selon la portion de la cuisse où ils étaient le plus visible.
La circonférence de la cuisse a été relevée au milieu de la cuisse par un thérapeute avec un mètre ruban.
La douleur a été relevée grâce à l’échelle visuelle analogique (EVA), allant de 0 à 10.
La fonction du genou a été analysée grâce au Lysholm knee scoring system qui est un questionnaire comprenant 8 questions et donnant un score de 0 (pire fonction) à 100 (excellente fonction).
Le One-Leg Standing Test (OLST) a été utilisé pour évaluer l’équilibre des participants. Le contrôle postural et le temps maintenu ont été relevés pendant qu’ils se tenaient debout en unipodal, mains sur les hanches, avec l’autre membre inférieur à 90° de flexion de hanche et de genou.
Enfin, l’amplitude en flexion et extension du genou a été mesurée grâce à un rapporteur, après que les patients aient réalisé une flexion puis une extension active maximale.
Il est important de noter que toutes les mesures ont été effectuées avant et après la ménisectomie partielle par le même examinateur afin de limiter les erreurs possibles.
Résultats
Effet sur la force du quadriceps
Le pic de force ainsi que la puissance moyenne du quadriceps n’ont pas été significativement améliorés dans le groupe RR, alors qu’ils l’ont été dans le groupe RR + BFR. Ces deux valeurs étaient significativement plus hautes dans le groupe RR + BFR à 4 et 8 semaines postopératoires, ce qui indique que l’entrainement en BFR pourrait améliorer considérablement la force du quadriceps.
Effet sur l’épaisseur du quadriceps
Quatre semaines après l’opération, l’épaisseur des 4 faisceaux du quadriceps a été améliorée dans le groupe RR + BFR, et elle a continué à augmenter à 8 semaines, alors qu’elle n’a pas augmenté de manière significative dans le groupe RR, que ce soit à 4 ou 8 semaines. L’épaisseur du droit fémoral, du vaste intermédiaire et du vaste latéral (mais pas celle du vaste médial) était supérieure dans le groupe RR + BFR après le traitement, ce qui suggère que l’utilisation du BFR améliore l’épaisseur du quadriceps après une ménisectomie partielle.
Effet sur la circonférence de la cuisse
Les deux groupes ont présenté une diminution de la circonférence de la cuisse après l’opération, mais à 4 semaines postopératoire le groupe RR avait une circonférence toujours inférieure à celle préopératoire, alors que le groupe RR + BFR avait une circonférence supérieure. Les résultats étaient similaires à 8 semaines ; le groupe RR + BFR avait une amélioration plus importante que le groupe RR et la circonférence de cuisse était largement supérieure dans le groupe ayant utilisé le BFR.
Effet sur la douleur du genou
Le douleur, évaluée pas l’EVA, a significativement diminué à 4 et 8 semaines postopératoires dans les deux groupes. En revanche, une analyse plus poussée a permis de montrer une diminution plus importante de la douleur dans le groupe RR + BFR, suggérant l’intérêt du BFR en réhabilitation dans la gestion de la douleur.
Effet sur la fonction du genou
Le score Lysholm n’était pas différent dans les deux groupes avant l’opération, et il a été significativement amélioré à 4 et 8 semaines postopératoires. En revanche, l’amélioration de ce score a été plus importante dans le groupe RR + BFR, appuyant une nouvelle fois l’intérêt de l’utilisation du BFR dans la rééducation après méniscectomie partielle sous arthroscopie.
Effet sur l’équilibre
Le score OLST a été amélioré à 4 et 8 semaines postopératoires dans les deux groupes. En revanche, cette amélioration était significativement plus élevée dans le groupe RR + BFR comparé au groupe RR. Le BFR jouerait donc un rôle dans l’amélioration de l’équilibre des participants.
Effet sur l’amplitude articulaire
Une amélioration de l’amplitude articulaire a été observée dans les deux groupes, que ce soit à 4 ou 8 semaines postopératoires. Malgré cela, le groupe RR + BFR présentait une amplitude de mouvement du genou plus importante que le groupe RR aux mêmes temps de réhabilitation, montrant l’intérêt du BFR pour améliorer le ROM total du genou après une opération.
Discussion
La ménisectomie partielle par arthroscopie est un choix clinique très répandu afin de rétablir la stabilité et la fonction du genou suite à une déchirure méniscale. En revanche, la littérature a mis en évidence de nombreux effets secondaires en postopératoire, notamment l’atrophie musculaire ; les patients après ménisectomie partielle ne peuvent pas tolérer des charges à 70% de la 1RM ce qui rend la rééducation en force insuffisante pour pallier à ce phénomène. L’ajout de BFR pourrait être un outil supplémentaire efficace en rééducation pour contrer les effets secondaires de l’opération. C’est ce qu’a montré cette étude, avec une amélioration significative de nombreux facteurs dans le groupe RR + BFR tels que la force musculaire, la circonférence de cuisse, la réduction de la douleur, l’amélioration de l’amplitude articulaire ou encore de l’équilibre.
Concernant l’amélioration de l’équilibre, la première hypothèse est que la fonction du genou dépend en grande partie de la force du quadriceps ; cette dernière ayant été améliorée de façon plus importante dans le groupe RR + BFR que dans le groupe RR, il serait normal que l’équilibre soit aussi significativement amélioré dans le groupe RR + BFR. La deuxième hypothèse est que le BFR améliore le contrôle musculaire des membres inférieurs en augmentant l’entrée proprioceptive. Sur ce dernier point, les études montrent des résultats assez contradictoires qui pourraient être liés à une mauvaise utilisation du BFR ou un manque d’adhérence du patient au programme et de nouvelles recherches devraient être menées.
Cette étude a observé une amélioration supérieure de la force musculaire, de l’épaisseur du quadriceps et de la circonférence de la cuisse dans le groupe RR + BFR comparé au groupe RR. Cela serait expliqué par le manque de stimulation des fibres musculaires de type II dans les rééducations postopératoires sans BFR à cause de l’impossibilité de charger à plus de 70% de la 1RM. Le BFR associé à des exercices à faible intensité stimulerait quant à lui la synthèse et le recrutement des fibres de type II, fibres liées à l’hypertrophie et la force. Les chercheurs ont montré des activations plus importantes de la voie de signalisation mTOR1 après entrainement avec BFR, entrainant une augmentation du taux de synthèse des protéines de 64% (24heures après) par rapport à avant l’entrainement. Cependant, la synthèse protéique après l’entrainement se fait en partie en réponse à la nourriture, il est donc difficile de savoir si l’augmentation vient uniquement du BFR ou de l’association BFR + repas riche en protéines.
Concernant la douleur, il est important de noter que c’est un facteur extrêmement limitant pour les patients, que ce soit dans leur vie quotidienne (anxiété, insomnie …) ou dans leur réhabilitation. Par conséquent, le soulagement de la douleur est un objectif prioritaire. Cette étude a montré une amélioration significative de la douleur avec le BFR (diminution sur l’EVA de 85,76% à 8 semaines dans le groupe RR + BFR contre 54,34% dans le groupe RR). L’explication possible est que la compression faite par le BFR entraine une douleur ischémique et musculaire, ce qui stimulerait les phénomènes centraux de régulation analgésique (voies descendantes), entrainant une inhibition des nocicepteurs périphériques et amenant ainsi à une diminution de la douleur.
Le premier constat est que la force ainsi que l’épaisseur du quadriceps se sont significativement améliorés avec l’entrainement avec BFR. Cela pourrait être expliqué par les observations de précédentes études qui ont montré que le BFR entraine l’augmentation des concentrations d’hormone de croissance, de facteur de croissance endothélial vasculaire et de facteur de croissance analogue à l’insuline environ 30 minutes après la séance. Ces différents facteurs favorisent la prolifération et la différenciation des cellules satellites musculaires, amenant in-fine à l’augmentation du volume et de la force musculaire.
Concernant l’amélioration de l’équilibre, la première hypothèse est que la fonction du genou dépend en grande partie de la force du quadriceps ; cette dernière ayant été améliorée de façon plus importante dans le groupe RR + BFR que dans le groupe RR, il serait normal que l’équilibre soit aussi significativement amélioré dans le groupe RR + BFR. La deuxième hypothèse est que le BFR améliore le contrôle musculaire des membres inférieurs en augmentant l’entrée proprioceptive. Sur ce dernier point, les études montrent des résultats assez contradictoires qui pourraient être liés à une mauvaise utilisation du BFR ou un manque d’adhérence du patient au programme et de nouvelles recherches devraient être menées.
Cette étude a observé une amélioration supérieure de la force musculaire, de l’épaisseur du quadriceps et de la circonférence de la cuisse dans le groupe RR + BFR comparé au groupe RR. Cela serait expliqué par le manque de stimulation des fibres musculaires de type II dans les rééducations postopératoires sans BFR à cause de l’impossibilité de charger à plus de 70% de la 1RM. Le BFR associé à des exercices à faible intensité stimulerait quant à lui la synthèse et le recrutement des fibres de type II, fibres liées à l’hypertrophie et la force. Les chercheurs ont montré des activations plus importantes de la voie de signalisation mTOR1 après entrainement avec BFR, entrainant une augmentation du taux de synthèse des protéines de 64% (24heures après) par rapport à avant l’entrainement. Cependant, la synthèse protéique après l’entrainement se fait en partie en réponse à la nourriture, il est donc difficile de savoir si l’augmentation vient uniquement du BFR ou de l’association BFR + repas riche en protéines.
Concernant la douleur, il est important de noter que c’est un facteur extrêmement limitant pour les patients, que ce soit dans leur vie quotidienne (anxiété, insomnie …) ou dans leur réhabilitation. Par conséquent, le soulagement de la douleur est un objectif prioritaire. Cette étude a montré une amélioration significative de la douleur avec le BFR (diminution sur l’EVA de 85,76% à 8 semaines dans le groupe RR + BFR contre 54,34% dans le groupe RR). L’explication possible est que la compression faite par le BFR entraine une douleur ischémique et musculaire, ce qui stimulerait les phénomènes centraux de régulation analgésique (voies descendantes), entrainant une inhibition des nocicepteurs périphériques et amenant ainsi à une diminution de la douleur.
Enfin, les données actuelles concernant l’utilisation du BFR en réhabilitation postopératoire n’ont pas mis en évidence d’événements indésirables tels que des lésions musculaires, un gonflement du membre ou encore des ecchymoses. Une seule étude de Ohta et al. (2003) a rapporté l’abandon de 2 participants pour cause de douleur et de sensation de lourdeur dans les membres inférieurs. Les experts suggèrent donc que les patients devraient être soumis à un dépistage des contre-indications avant l’utilisation du BFR. Dans l’ensemble, si ce dépistage est fait et qu’une supervision médicale est présente, le BFR semble approprié à la rééducation postopératoire et présente de faibles risques d’effets secondaires indésirables.
Conclusion
Cette étude a montré que l’entrainement en BFR serait une stratégie efficace dans la rééducation des patients après ménisectomie partielle sous arthroscopie car il améliore la force et l’épaisseur musculaire, l’amplitude articulaire, l’équilibre des patients et diminue la douleur, l’ensemble entrainant une amélioration de la fonction du genou. Suite à ces résultats prometteurs, les prochaines études devraient se concentrer sur les paramètres optimaux d’utilisation du BFR (temps sous compression, intensité de la compression, nombre de répétitions …) ainsi que sur le suivi à long terme afin d’améliorer la fiabilité des résultats déjà présents dans la littérature.
Référence article
Ke J, Zhou X, Yang Y, Shen H, Luo X, Liu H, Gao L, He X, Zhang X. Blood flow restriction training promotes functional recovery of knee joint in patients after arthroscopic partial meniscectomy: A randomized clinical trial. Front Physiol. 2022 Oct 13;13:1015853. doi: 10.3389/fphys.2022.1015853. PMID: 36311243; PMCID: PMC9611541.