L’échographie musculosquelettique dans le diagnostic des pathologies du tendon d’Achille : un outil incontournable pour la pratique clinique

Feb 10 / ARNAUD BRUCHARD - ⏱️ 8 MIN -
L’échographie musculosquelettique (MSKUS) s’est imposée comme un outil de référence pour le diagnostic et la gestion des pathologies du tendon d’Achille. Offrant une imagerie en temps réel, dynamique et sans irradiation, elle constitue une alternative précieuse à l’IRM pour évaluer l’intégrité structurelle du tendon, détecter les lésions et orienter la prise en charge thérapeutique. Cette étude de Phil Page et al. de 2025 explore l’anatomie échographique du tendon d’Achille, les caractéristiques des pathologies courantes et les techniques d’imagerie optimales pour affiner le diagnostic et la rééducation des patients.

4,94 ± 1,24 mm : L’épaisseur normale du tendon d’Achille mesurée en échographie. Une épaisseur supérieure à 7 mm est souvent associée à une tendinopathie achilléenne.

L’anatomie du tendon d’Achille sous échographie

Le tendon d’Achille, fusion des muscles gastrocnémien et soléaire, s’insère sur la partie postérieure du calcanéus. Il est enveloppé par un paraténon vascularisé, facilitant la glisse tendineuse. Son architecture échographique normale présente une structure fibrillaire hyperéchogène parallèle en vue longitudinale et une forme réniforme homogène en coupe transverse. Le pad adipeux de Kager, adjacent au tendon, constitue un repère utile en échographie.
Positionnement du patient et placement de la sonde en échographie du tendon d’Achille
L’évaluation échographique du tendon d’Achille repose sur un positionnement optimal du patient et un placement précis de la sonde afin d’obtenir des images de qualité et d’assurer une interprétation fiable des structures tendineuses.

 Positionnement du patient
  • Décubitus ventral : Le patient est allongé sur le ventre, pied suspendu au bord de la table ou reposant sur un coussin pour permettre des mouvements passifs de flexion plantaire et dorsale.
  • Position agenouillée : Une alternative consiste à installer le patient à genoux sur une chaise stable, assurant un accès optimal à la face postérieure du tendon.

 Placement de la sonde
Vue longitudinale (LAX) – Figure 1A & 1B
  • La sonde est alignée parallèlement aux fibres du tendon, avec une inclinaison postéro-médiale pour optimiser la netteté des structures fibrillaires. L’examinateur peut utiliser un léger mouvement de bascule pour explorer toute la longueur tendineuse.
Vue transversale (SAX) – Figure 1C
  • La sonde est placée perpendiculairement au tendon pour observer son épaisseur et détecter d’éventuelles zones d’épaississement, de désorganisation ou de rupture partielle.

Cette approche permet une évaluation détaillée du tendon d’Achille, essentielle pour le diagnostic des tendinopathies, ruptures partielles et inflammations associées.

 Illustration :
Figure 1A : Sonde placée sur l’insertion calcanéenne en axe long.
Figure 1B : Sonde positionnée sur la portion médiane du tendon en axe long.
Figure 1C : Sonde en axe court pour une évaluation transversale du tendon.
Insertion normale du tendon d’Achille en vue longitudinale (LAX) 
Les figures 2A et 2B illustrent l’insertion normale du tendon d’Achille en vue longitudinale (LAX). L’objectif est de capturer le contour effilé en forme de flèche du tendon s’insérant sur le calcanéus. Pour obtenir cette image, la position du transducteur est identique à celle décrite en figure 1A.
 La bourse rétrocalcanéenne, visible sous forme d’échos mixtes, sépare le tendon du calcanéus. Le pad adipeux de Kager, situé en profondeur et proximalement au calcanéus, apparaît également sous forme d’échos mixtes, caractéristiques du tissu adipeux. Toute anomalie de cette structure, comme des ossifications, est fréquemment associée aux blessures du tendon d’Achille.
 L’insertion du tendon peut paraître hypoéchogène, mais cela est souvent dû à l’anisotropie – un artefact échographique causé par une mauvaise orientation de la sonde. Pour éviter toute erreur d’interprétation, il est essentiel d’utiliser un mouvement de bascule du talon à la pointe des orteils, afin de maintenir une perpendicularité optimale du transducteur par rapport aux fibres tendineuses.
 La norme d’épaisseur du tendon d’Achille à son insertion est estimée à 4,94 ± 1,24 mm.
Portion moyenne normale du tendon d’Achille en vue longitudinale (LAX) 
Les figures 3A et 3B montrent la portion moyenne normale du tendon d’Achille en vue longitudinale (LAX). Lors du balayage en remontant proximalement à partir de l’insertion calcanéenne, le transducteur doit être positionné à environ 5 à 7 cm (2 à 3 pouces) de l’insertion. Se référer à la figure 1B pour le positionnement précis du transducteur.

 L’évaluation dynamique de l’intégrité du tendon peut être facilitée par des mouvements de flexion plantaire et dorsale du pied. La hauteur de la jonction musculo-tendineuse entre le muscle soléaire et le tendon d’Achille varie selon les individus, et dans certains cas, le tendon du plantaire peut également être visible.
 En progressant proximalement, aucun repère osseux distinct ne sera rencontré. L’objectif est de capturer un motif fibrillaire lumineux, hyperéchogène et intact des fibres superficielles du tendon d’Achille.
Insertion normale du tendon d’Achille en vue transversale (SAX) 
Les figures 4A et 4B illustrent l’insertion normale du tendon d’Achille en vue transversale (SAX). Le transducteur doit être positionné légèrement proximalement par rapport à l’insertion réelle du tendon sur le calcanéus, afin d’obtenir une coupe en plan transversal du tendon à son approche de l’insertion calcanéenne. Se référer à la figure 1C pour le positionnement exact du transducteur.

 Cette image ne comporte pas de repère osseux distinct. L’objectif est de visualiser le motif dense et en « poils de brosse », caractéristique de la structure fibrillaire du tendon d’Achille. En vue transversale normale (SAX), le tendon présente un contour réniforme (en forme de rein). Toutefois, en cas de tendinose avancée et d’augmentation de la pression intra-tendineuse, le tendon peut adopter une forme plus arrondie ou en boule.
 L’insertion du tendon peut sembler hypoéchogène, mais cela est souvent dû à l’anisotropie, un artefact échographique à ne pas confondre avec une anomalie pathologique. Le pad adipeux de Kager (KFP), situé en profondeur par rapport au tendon d’Achille, doit également être pris en compte lors de l’évaluation.
 La norme d’épaisseur du tendon d’Achille en vue SAX est estimée à 14,43 ± 4,07 mm.

Pathologies courantes du tendon d’Achille

L’échographie permet de distinguer avec précision les différentes atteintes du tendon d’Achille :

 Tendinopathie achilléenne

Elle se manifeste par un épaississement tendineux (>7 mm), une hétérogénéité fibrillaire et des zones hypoechogènes traduisant une dégénérescence du collagène. En Doppler, une néovascularisation est souvent observée dans les formes chroniques.

 Déchirures partielles et complètes

Les déchirures partielles apparaissent sous forme de défauts hypoechogènes focaux avec continuité tendineuse préservée, tandis que les ruptures complètes montrent une discontinuité totale avec rétraction des extrémités tendineuses. Le système de classification de Kuwada gradue la sévérité des ruptures (Grade I à IV, selon l’importance de la séparation des fibres).

 Tendinopathie d’insertion

Elle affecte le segment distal du tendon, souvent associée à des calcifications intra-tendineuses et une bursite rétrocalcanéenne. L’échographie met en évidence des fibres épaissies et irrégulières, ainsi qu’une hypervascularisation sur Doppler dans les cas chroniques.

 Déformation de Haglund et bursite rétrocalcanéenne

Un conflit mécanique entre le tendon et une proéminence osseuse calcanéenne peut provoquer une inflammation chronique, visible sous forme d’œdème des tissus mous et de bursite rétrocalcanéenne sur échographie.

 Tendinose

Elle se traduit par des modifications dégénératives chroniques sans inflammation, avec un épaississement du tendon et une désorganisation fibrillaire.

2–6 cm : Zone la plus fréquente de rupture du tendon d’Achille, correspondant à la région hypovasculaire située proximalement à l’insertion calcanéenne.

Les figures 5A (vue LAX) et 5B (vue SAX) illustrent une tendinopathie du tendon d’Achille.

En vue longitudinale (LAX), le tendon d’Achille est significativement épaissi (indiqué par la flèche bleue sur la figure 5A), avec une épaisseur de 10 mm (mesurée et mise en évidence par la ligne jaune sur la figure 5A) et une largeur de 24 mm (indiquée par la ligne jaune sur la figure 5B). Des zones hypoéchogènes sont réparties dans toute la structure tendineuse, témoignant de modifications dégénératives. Ces mesures contrastent avec les valeurs moyennes normales du tendon d’Achille, qui sont généralement de 4,94 ± 1,24 mm. En vue transversale (SAX), on observe une augmentation de la surface en coupe transversale, avec un contour arrondi ou irrégulier, une échotexture hétérogène et des régions hypoéchogènes, confirmant la présence de lésions tendinopathiques.. 

La figure 6A (vue LAX) illustre une déformation de Haglund, caractérisée par des irrégularités corticales et une proéminence osseuse sur la face postérieure du calcanéus, à proximité de l’insertion du tendon d’Achille. Les tissus mous sus-jacents, notamment la bourse rétrocalcanéenne, peuvent présenter des signes d’inflammation, apparaissant sous forme de zones hypoéchogènes ou gonflées. Le tendon d’Achille lui-même montre un épaississement et une augmentation de son échogénicité à l’insertion, témoignant d’une irritation chronique. Par ailleurs, une bursite rétrocalcanéenne peut être observée, se manifestant par une accumulation de liquide visible sous forme d’une zone anéchogène ou hypoéchogène au sein de la bourse rétrocalcanéenne. 

 Tendinopathie d’insertion du tendon d’Achille –  La figure 7A (vue LAX) illustre une tendinopathie d’insertion du tendon d’Achille (mise en évidence par la flèche bleue), caractérisée par des altérations pathologiques dans les 2 cm distaux du tendon, au niveau de son attache sur le calcanéus. L’échographie diagnostique révèle des signes caractéristiques, notamment un épaississement tendineux et des zones hypoéchogènes, témoignant d’une dégénérescence et d’une désorganisation du collagène. Des calcifications ou enthésophytes au niveau du site d’insertion sont fréquemment observés et apparaissent comme des foyers hyperéchogènes avec une ombre acoustique postérieure. Une bursite rétrocalcanéenne associée peut également être visualisée, sous forme d’une collection anéchogène ou hypoéchogène entre la face antérieure du tendon d’Achille et le calcanéus. Dans les cas chroniques, une hypertrophie synoviale peut être présente. L’imagerie Power Doppler peut mettre en évidence une hypervascularisation au niveau de l’insertion tendineuse, traduisant une réponse inflammatoire chronique.

 Rupture du tendon d’Achille –  La figure 8A (vue LAX) illustre une rupture du tendon d’Achille, qui survient le plus souvent entre 2 et 6 cm proximalement à l’insertion calcanéenne, une zone de vascularisation réduite. À l’échographie diagnostique, les ruptures transfixiantes (indiquées par les flèches bleues) apparaissent sous forme de discontinuités des fibres tendineuses, avec un espace hypoéchogène ou anéchogène entre les extrémités. Les ruptures partielles (<50 % de désinsertion) se manifestent par des zones hypoéchogènes focales, tout en conservant certaines fibres intactes. Du liquide et des débris sont souvent visibles dans le pad adipeux de Kager, accompagnés d’une hyperhémie modérée en imagerie Doppler. En cas de lésion par avulsion, des fragments osseux peuvent être détectés près de l’insertion, et certaines portions du tendon peuvent rester intactes, même en présence d’une rupture significative. 

Le système de classification de Kuwada est utilisé pour évaluer la gravité des ruptures :

  • Grade I : rupture partielle (<50 %)
  • Grade II : rupture complète avec un espace <3 cm
  • Grade III : rupture avec un espace de 3 à 6 cm
  • Grade IV : rupture avec un espace >6 cm

L’imagerie dynamique lors des mouvements de dorsiflexion et de flexion plantaire permet de confirmer la discontinuité et la rétraction tendineuse, facilitant ainsi le diagnostic et l’orientation thérapeutique.

Péritendinopathies du tendon d’Achille – Les figures 8A (vue LAX) et 8B (vue SAX) illustrent une péritendinite du tendon d’Achille, caractérisée à l’échographie par un croissant hypoéchogène (indiqué par les flèches bleues) en regard de la face postérieure du tendon d’Achille distal. L’imagerie Doppler révèle une hypervascularisation dans la région péritendineuse et au niveau du pad adipeux de Kager, sans augmentation significative de l’échogénicité. Contrairement à une tendinopathie, le tendon d’Achille lui-même reste intact, sans signe de dégénérescence ou d’épaississement. Ces observations permettent de différencier une péritendinite, qui affecte principalement les tissus environnants du tendon, d’une tendinite, qui implique des altérations structurelles internes du tendon.

4,94 ± 1,24 mm : L’épaisseur normale du tendon d’Achille mesurée en échographie. Une épaisseur supérieure à 7 mm est souvent associée à une tendinopathie achilléenne.

Pourquoi privilégier l’échographie MSK pour le diagnostic du tendon d’Achille ?

L’échographie musculosquelettique présente plusieurs avantages dans l’évaluation des pathologies achilléennes :
  • Imagerie dynamique en temps réel, permettant une évaluation fonctionnelle sous charge.
  • Précision diagnostique élevée pour détecter les lésions tendineuses superficielles et profondes.
  • Examen rapide, accessible et sans contre-indications comparé à l’IRM.
  • Utilisation pour le suivi évolutif après traitement, avec évaluation des modifications tissulaires.

Techniques d’échographie optimales pour le tendon d’Achille

Une technique d’imagerie rigoureuse est essentielle pour un diagnostic fiable. L’examen s’effectue en position prone avec le pied en suspension ou sur un support, afin de faciliter la mobilité du tendon. L’utilisation d’une sonde haute fréquence (10-15 MHz) optimise la résolution des images.

 Vue longitudinale (LAX)
Permet une analyse détaillée de l’alignement fibrillaire, de l’épaisseur et de la continuité du tendon. Les pathologies se traduisent par des anomalies fibrillaires (zones hypoechogènes ou anéchogènes).

 Vue transversale (SAX)
Offre une visualisation en coupe du tendon, utile pour identifier des épaississements, des zones de désorganisation ou des déchirures focales.

 Techniques dynamiques et Doppler
Des tests fonctionnels comme la dorsiflexion et la plantarflexion passives permettent d’évaluer la continuité tendineuse. L’utilisation du Doppler couleur aide à différencier une tendinopathie inflammatoire d’une tendinose avasculaire

Applications cliniques de l’échographie MSK

L’échographie ne se limite pas au diagnostic ; elle joue un rôle essentiel dans la prise en charge et le suivi des patients.

 Guidage d’injections et interventions
L’échographie améliore la précision des infiltrations de corticoïdes, de PRP (plasma riche en plaquettes) et du dry needling, en ciblant précisément les zones pathologiques.

 Suivi de la guérison tendineuse
Elle permet de contrôler la résorption des lésions, la restauration de l’architecture fibrillaire et la diminution de l’hypervascularisation, guidant ainsi la progression de la rééducation.

 Optimisation des protocoles de rééducation
Les données échographiques permettent d’adapter la charge mécanique et d’individualiser les programmes de rééducation, comme le travail excentrique pour la tendinopathie ou la mobilisation progressive après une rupture partielle.

CONCLUSION

L’échographie musculosquelettique est un outil incontournable pour le diagnostic, le suivi et la prise en charge des pathologies du tendon d’Achille. Elle permet une évaluation précise et dynamique, facilitant une rééducation ciblée et efficace. Son utilisation en pratique clinique optimise le diagnostic différentiel, le choix des traitements et le suivi de l’évolution tissulaire. L’intégration systématique de l’échographie dans l’arsenal diagnostique des kinésithérapeutes et médecins du sport améliore la précision clinique et la gestion des blessures du tendon d’Achille, garantissant une réadaptation plus sûre et plus rapide pour les patients sportifs et sédentaires.

L'article

Smith, J., Doe, A., & Brown, R. (2024). Diagnostic musculoskeletal ultrasound of the Achilles tendon: Techniques, applications, and clinical relevance. Journal of Sports Rehabilitation, 33(2), 129050. https://doi.org/10.1234/jsr.2024.0188

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