Une description détaillée du protocole, est disponible sur ClinicalTrials.gov sous le nom de "Effects of Foot Strengthening on the Prevalence of Injuries in Long Distance Runners".
Participants et recrutement :
Les critères d'inclusion :
- Âge entre 18 et 55 ans
- 1 an de course avec entre 20 et 100 km par semaine
- Pas de RRI dans les 2 mois précédant l'évaluation de base
- Pas d'expérience de course pieds nus ou avec des chaussures minimalistes
- Pas d'antécédents de chirurgie des membres inférieurs
- Pas de maladies chroniques ou de déficiences qui pourraient influencer la performance de course, comme l'arthrose.
Les 118 participants ont été répartis au hasard dans un groupe d'intervention (IG) ou un groupe de contrôle (CG) après une évaluation de base. Les chercheurs étaient aveuglés. Les évaluations ont été programmées sur deux semaines.
Interventions et évaluations :
Chaque participant a reçu un programme d’entrainement de 8 semaines axé sur les muscles des pieds-chevilles, avec 12 exercices progressant chaque semaine en volume et en difficulté.
Les participants du groupe contrôle ont effectué un protocole placebo d’étirements statiques de 5 minutes. Les deux groupes ont été invités à effectuer leurs exercices respectifs 3 fois par semaine jusqu'à la fin de la période de 12 mois. L'évaluation a été réalisée au départ, à 8 semaines et à 16 semaines. Les auteurs ont réalisé un rapport hebdomadaire sur la distance parcourue, le rythme et l’incidence de blessures des participants pendant 12 mois. L'indice de posture des pieds (FPI) a été mesurée au départ comme mesure clinique pour qualifier et quantifier 6 caractéristiques de la posture du pied, allant de -12 à +12, d'un pied plus en supination et à la voûte plantaire haute à un pied en pronation et à la voûte plantaire basse. Lors de chaque évaluation, la force du pied a été mesurée via une plateforme de force. Dans le cas de RRI au cours de l’étude, les participants devaient le déclarer à leur kinésithérapeute.
Statistiques :
Caractéristiques de base et corrélations :
Sur les 118 coureurs évalués (61 hommes, 57 femmes), 57 ont été attribués au IG et 61 au CG.
- Aucune différence dans le risque de RRI entre ceux parcourant 500 km (P = 0,088) et 1000 km (P = 0,110) ont été trouvé.
- Le FPI était significativement corrélé avec le temps avant la blessure (r = 0,41 ; P = 0,031) (figure 2), ce qui suggère que plus le FPI d'un coureur est élevé, plus il lui faudra de temps pour développer une blessure.
- Le délai avant la blessure a également été corrélé avec le gain de force du pied (r = 0,45 ; P = 0,044).
- Deux autres corrélations significatives étaient le FPI avec le RRI (r = 0,21 ; P = 0,023) et le volume de la course avec la cadence (r = -0,32 ; P = 0,001).
- En ce qui concerne les chaussures de course, aucune différence significative n’a été trouvée sur le drop ou le poids de la chaussure entre les groupes.
Blessures liées à la course à pied :
28 participants se sont blessés durant l’année d’étude. 20 dans le groupe contrôle, et 8 dans le groupe intervention. Le détail des pathologies représentée dans chaque groupe est détaillée dans la table 2 :
Analyse de survie :
L'analyse a donné un ratio de risque de 2,42 (P = 0,035) ; c'est-à-dire que les participants du GC avaient 2,42 fois plus de chances de se blesser que les participants du IG après 1 an.
Avec l'âge comme covariable, chaque année d'augmentation de l'âge était associée avec un risque de RRI multiplié par 1,07 (P = 0,015). Les autres covariables analysées (antécédents, IMC, sexe, FPI, années de pratique, kilométrage, et rythme) n'ont pas eu d'effet significatif sur le risque de blessure (P>0.05). Par ailleurs, le test du log-rank n'a pas montré de différences significatives entre le risque de blessure et le FPI (P = 0,942).
Prévenir les RRI en renforçant les muscles du tronc du pied :
L’hypothèse émise par les auteurs selon laquelle un protocole d'exercices de renforcement du pied pourrait réduire l'incidence des blessures a été soutenue : le GC a connu beaucoup plus de RRI que l'IG, avec un risque 2,42 fois plus élevé. Une augmentation progressive de la tolérance à la charge avec une augmentation de l’intensité de course correctement dosée permet de réduire le risque de RRI. Par exemple, un programme de 4 semaines pour les coureurs débutants obèses qui commence avec 3 km/semaine, contre 6 km par semaine, a réduit le risque cumulé de blessures de 16,3%. Dans l’étude ici-présentée, les différences dans le risque cumulé de blessure étaient évidentes dès le 4ème mois entre les 2 groupes, mais la signification statistique n’a été atteinte qu’au 8ème mois. Ce schéma suggère que 4 à 8 mois de ce protocole de renforcement des muscles intrinsèques des pieds pourraient être efficaces pour réduire le risque de blessures chez les coureurs.
Facteurs de risque pour les RRI :
Bien que certains facteurs de risque de blessures aient été contrôlés ou exclus, d'autres (décrits précédemment) ont été inclus : RRI précédente, IMC, expérience en course à pied, et volume en course à pied. Ces facteurs n'étaient probablement pas responsables de la différence d'incidence de RRI entre les groupes car les facteurs de risque accrus n'étaient pas aussi élevés que l'effet protecteur de l'intervention.
Une corrélation significative a été constatée entre le FPI et le risque de blessure, ce qui suggère un effet protecteur des pieds éversés/prononcés, comme l'ont constaté Nielsen et al. Une corrélation clé a été constatée entre le temps avant la blessure et le gain de force du pied : Plus le pied est fort, plus le coureur a mis du temps à développer une blessure. Des corrélations ont été observées entre le FPI et l'IMC et entre le volume et le rythme de course.
Mécanismes d'action possibles du programme d'exercices pour les pieds :
Certaines études démontrent les avantages d'un renforcement des muscles intrinsèques du pied, et étant donné le de ces muscles dans l'amortissement des impacts et la propulsion pendant la course, il est logique de penser que ces paramètres ont également été améliorés grâce à notre programme. Ainsi, en réduisant les chocs, en diminuant la charge cumulative et en contrôlant mieux le mouvement et l'alignement des chevilles, le renforcement des muscles du pied a permis d'éviter les RRI dans le groupe d'intervention. Les blessures les plus graves (les fractures de stress) sont survenues chez les coureurs du CG ; aucun des participants du IG n'a subi de fracture de stress. Cela pourrait être lié à la différence d'effet des mécanismes d'amortissement effectués par le système musculo-squelettique, plus spécifiquement la plante de pied, qui a été renforcé dans l'IG mais pas dans le CG.