Les interrelations entre le gluteus minimus et la capsule articulaire : un éclairage nouveau sur les douleurs de hanche en rotation interne

Nov 30 / Arnaud BRUCHARD - ⏱️ 6 MIN -
Dans l’univers de la kinésithérapie sportive, la hanche est souvent une articulation complexe à évaluer, notamment dans les cas de douleurs antérieures associées au test FADIR (Flexion, Adduction, Internal Rotation). Cette étude, publiée dans BMC Musculoskeletal Disorders, se distingue en explorant une thématique rarement abordée : l’interaction entre le muscle gluteus minimus (ou petit fessier) et la capsule articulaire dans des positions spécifiques de rotation interne combinée à une flexion de la hanche.

L’objectif principal des auteurs était de déterminer si des modifications dans ces interactions anatomiques pouvaient expliquer certaines douleurs FADIR-positives, en l'absence de pathologies osseuses ou labrales identifiables. Cet article propose une analyse approfondie des résultats de cette étude, en les rendant accessibles et pertinents pour les kinésithérapeutes du sport.

Pourquoi cette étude est-elle importante pour les praticiens ?

Les douleurs FADIR-positives sont souvent attribuées à des pathologies intra-articulaires comme l’impingement fémoro-acétabulaire ou des lésions labrales. Toutefois, une part significative de ces douleurs reste inexpliquée par des anomalies visibles à l’imagerie standard. Cette étude propose une nouvelle hypothèse : et si les restrictions de mouvement entre le gluteus minimus et la capsule articulaire étaient en partie responsables ? Les auteurs ont cherché à étudier cette relation complexe à travers des outils d’imagerie avancés, notamment l’IRM et l’échographie dynamique.
 

Les 6 points clés de l’étude : 

Origine des douleurs FADIR-positives :

L’étude révèle que certaines douleurs de hanche attribuées au test FADIR pourraient provenir de tensions entre le gluteus minimus et la capsule articulaire, plutôt que de pathologies osseuses ou labrales.

Diminution de l’espace conjonctif :

Les sujets FADIR-positifs présentent une réduction de l’espace de tissu conjonctif entre le gluteus minimus et la capsule articulaire, limitant leur mouvement indépendant et favorisant les tensions.

Orientation des fibres alignées :

Chez les patients douloureux, l’alignement des fibres musculaires et capsulaires reflète une restriction mécanique, exacerbée en rotation interne de la hanche.

Impact sur la mobilité :

Une rotation interne réduite (23,5° contre 30,5° dans le groupe contrôle) a été constatée chez les sujets FADIR-positifs, soulignant une perte fonctionnelle significative.

Applications cliniques :

  • Techniques de mobilisation douce pour restaurer le glissement entre les structures.
  • Renforcement spécifique du gluteus minimus.
  • Assouplissements et étirements ciblés pour réduire les restrictions capsulaires.

Nouvelle approche diagnostique :

Cette étude encourage les cliniciens à élargir leurs évaluations des douleurs de hanche en incluant les tissus mous et leurs interactions, notamment pour les cas FADIR-positifs sans anomalies radiologiques apparentes.

Une méthodologie scientifique solide mais limitée par la taille de l’échantillon

 Les points forts :

Les auteurs ont utilisé une approche comparative rigoureuse, en étudiant deux groupes distincts :

  • Un groupe FADIR-positif (10 participants), présentant des douleurs antérieures de hanche.
  • Un groupe contrôle (10 participants), sans douleur ni antécédents pathologiques.
  • L’utilisation combinée de l’IRM et de l’échographie a permis une évaluation précise des interactions tissulaires. L’IRM a révélé des détails anatomiques fins, tandis que l’échographie a permis d’analyser les mouvements en temps réel.

 Le choix des positions spécifiques de hanche :

La flexion à 90° combinée à une rotation interne reflète une configuration courante dans les gestes sportifs et le test FADIR, augmentant ainsi la pertinence clinique de l’étude.

 Les limites :

  • Taille de l’échantillon : Avec seulement 20 participants, les résultats doivent être interprétés avec prudence. Une étude à plus grande échelle permettrait de généraliser les conclusions.
  • Absence de suivi longitudinal : L’étude ne permet pas de conclure sur l’évolution des restrictions observées ni sur l’impact des interventions thérapeutiques.
  • Manque de contrôle des facteurs externes : Par exemple, le niveau d’activité physique des participants ou des asymétries musculaires n’a pas été pris en compte.

Les résultats : des interactions perturbées chez les sujets FADIR-positifs

1. Orientation des fibres musculaires et capsulaires

Les participants FADIR-positifs présentaient une orientation des fibres du gluteus minimus et de la capsule articulaire quasiment alignée en position de rotation interne. Cette orientation commune, absente chez les participants du groupe contrôle, suggère une restriction mécanique entre ces structures.

Selon les auteurs, cet alignement pourrait indiquer un manque de mobilité indépendante entre le muscle et la capsule, contribuant potentiellement à une tension excessive et à des douleurs.

2. Réduction de l’espace de tissu conjonctif lâche

Chez les sujets FADIR-positifs, l’espace conjonctif entre le gluteus minimus et la capsule articulaire était significativement réduite. Ce tissu conjonctif joue un rôle clé dans le glissement fluide des structures. Sa diminution peut limiter la fonction normale de la hanche et engendrer des douleurs.

3. Limitation de la rotation interne

Le groupe FADIR-positif montrait une rotation interne significativement réduite (23,5° en moyenne contre 30,5° dans le groupe contrôle). Cette limitation fonctionnelle pourrait résulter des restrictions tissulaires mises en évidence.
Mesures d'orientation du gluteus minimus et de la capsule articulaire dans le groupe contrôle. L'analyse des images échographiques dans le groupe contrôle est présentée
Fig. 2 - Mesures d'orientation du gluteus minimus et de la capsule articulaire dans le groupe contrôle. L'analyse des images échographiques dans le groupe contrôle est présentée. Les éléments suivants sont montrés, dans l'ordre, à partir de la rangée supérieure :
  • L'image en niveaux de gris de la région d'intérêt présentée dans la Fig. 1 (rangée supérieure).
  • L'image binaire correspondante.
  • L'image du spectre de puissance obtenue après une transformation de Fourier bidimensionnelle de l'image binaire.
  • La distribution d'orientation, indiquée par l'angle et l'amplitude moyenne (représentation en coordonnées polaires), ainsi que son approximation elliptique.
  • Le rapport entre les axes majeur et mineur de l'ellipse est considéré comme l'intensité de l'orientation.
Les images et le processus d'analyse sont montrés pour des rotations externes à 20° et 10° (ER 20° et 10°), une rotation neutre (0°) entre rotation externe et interne (ER/IR 0°), et une rotation interne à 10° (IR 10°), toutes effectuées en flexion de hanche à 90°. Les résultats sont présentés de gauche à droite dans cet ordre.
Cette figure illustre le processus d’analyse des images échographiques dans le groupe présentant un test FADIR positif (Flexion, Adduction, Internal Rotation)
Cette figure illustre le processus d’analyse des images échographiques dans le groupe présentant un test FADIR positif (Flexion, Adduction, Internal Rotation). Les éléments suivants sont présentés dans l'ordre, à partir de la rangée supérieure :
  • Image en niveaux de gris de la région d'intérêt, telle que définie dans la Fig. 1.
  • Image binaire correspondante, dérivée des données initiales.
  • Spectre de puissance généré après une transformation de Fourier bidimensionnelle de l'image binaire.
  • Distribution d'orientation, indiquée par les angles et l'amplitude moyenne (représentation graphique en coordonnées polaires), accompagnée de son approximation elliptique.
  • Le rapport entre les axes majeur et mineur de l'ellipse est utilisé comme indicateur de l'intensité de l'orientation.

Les résultats sont montrés pour les positions suivantes :
  • 20° et 10° de rotation externe (ER 20° et ER 10°),
  • 0° de rotation neutre entre rotation externe et interne (ER/IR 0°),
  • 10° de rotation interne (IR 10°), toutes en flexion de hanche à 90°.
  • Ces images et leur processus d’analyse sont présentés de gauche à droite dans cet ordre.

Applications pratiques pour les kinésithérapeutes

1. Adapter l’évaluation clinique
Les résultats de cette étude soulignent l’importance d’inclure les tissus mous, en particulier le gluteus minimus et le tissu conjonctif, dans l’évaluation des douleurs antérieures de hanche. En cas de test FADIR-positif sans anomalies radiologiques évidentes, les kinés peuvent suspecter une restriction fonctionnelle entre ces structures.

2. Intégrer des techniques de mobilisation tissulaire
Les interventions devraient cibler l’amélioration du glissement entre le gluteus minimus et la capsule articulaire. Cela peut inclure :

  • Des techniques de mobilisation douce en rotation interne et flexion.
  • Des massages ciblés pour assouplir les tissus conjonctifs réduits.
  • Des exercices de mobilité active pour restaurer les amplitudes.

3. Renforcement du gluteus minimus
Un travail spécifique sur le gluteus minimus, visant à optimiser son rôle dans la stabilité de la hanche, pourrait aider à réduire les tensions excessives.

4. Approches préventives
Pour les sportifs, inclure des exercices ciblés sur la stabilité et la mobilité de la hanche, ainsi que sur le maintien de la souplesse des tissus mous, peut prévenir l’apparition de ces douleurs.

Comparaison de l'intensité d'orientation du gluteus minimus et de la capsule articulaire entre les groupes contrôle et FADIR-positif
Fig. 4 - Comparaison de l'intensité d'orientation du gluteus minimus et de la capsule articulaire entre les groupes contrôle et FADIR-positif
Cette figure montre une comparaison de l’intensité d'orientation entre le gluteus minimus et la capsule articulaire dans les groupes contrôle et FADIR-positif.
Résultats clés :
  • Dans le groupe FADIR-positif, l’intensité d’orientation était significativement plus élevée que dans le groupe contrôle dans deux positions spécifiques :
  • Rotation neutre (0° external/internal rotation, ER/IR 0°).
  • 10° de rotation interne (IR 10°), toutes deux en flexion de hanche à 90°.
Analyses statistiques :
  • Une analyse de variance (ANOVA) à mesures répétées a révélé un effet principal significatif pour le groupe (p < 0,001).
Les tests post hoc t non appariés ont montré des différences significatives :
  • À ER/IR 0° : p = 0,02.
  • À IR 10° : p < 0,001.
Ces résultats indiquent une intensité d'orientation plus marquée chez les sujets FADIR-positifs, particulièrement en position neutre et en rotation interne, ce qui reflète des restrictions fonctionnelles accrues dans ce groupe.
FADIR = Flexion, Adduction, Internal Rotation.
Les images montrent des coupes coronales prises en rotation neutre (ER/IR 0°, image a) et en rotation interne de 10° (IR 10°, images b-d) à 90° de flexion de hanche
Description des images :
Groupe contrôle (a-d) :
Les images montrent des coupes coronales prises en rotation neutre (ER/IR 0°, image a) et en rotation interne de 10° (IR 10°, images b-d) à 90° de flexion de hanche.
Des espaces proximaux marqués (*) entre le gluteus minimus (GMi) et la capsule articulaire (Cap) sont visibles dans ce groupe, indiquant une bonne séparation entre les deux structures.
Groupe FADIR-positif (e-h). Les images montrent des coupes coronales dans les mêmes positions que celles du groupe contrôle : rotation neutre (e) et rotation interne de 10° (f-h) à 90° de flexion. Dans ce groupe, les espaces entre le gluteus minimus et la capsule articulaire sont nettement réduits ou absents, ce qui reflète une restriction mécanique potentielle.
Légende des structures anatomiques : GMi : Gluteus minimus; GMa : Gluteus maximus; GMe : Gluteus medius; GT : Grand trochanter; H : Tête fémorale; Ip : Iliopsoas; N : Col du fémur; OE : Obturator externus
Interprétation :
  • Dans le groupe contrôle, l’espace distinct entre le gluteus minimus et la capsule articulaire facilite le mouvement fluide entre ces structures, même en rotation interne.
  • Dans le groupe FADIR-positif, la réduction ou l’absence de cet espace pourrait contribuer à des frictions ou des tensions accrues, expliquant les douleurs et les limitations observées dans ce groupe.
  • Ces observations renforcent l’hypothèse selon laquelle des interactions tissulaires anormales entre le gluteus minimus et la capsule articulaire jouent un rôle clé dans les douleurs FADIR-positives.
Lesson series

Correctif concernant l’interprétation incorrecte de l’étude sur le gluteus minimus et la capsule articulaire

Si vous lisez ou interprétez que l’étude "In vivo interrelationships between the gluteus minimus and hip joint capsule in the hip internal rotation position with flexion" évoque un "contact étroit" entre le gluteus minimus et la capsule articulaire, ceci est incorrect. Une telle interprétation déforme les conclusions de l’étude.

 Voici ce qui est réellement décrit :

 Réduction de l’espace conjonctif, mais pas de contact direct :
L’étude signale une réduction de l’espace de tissu conjonctif lâche entre le gluteus minimus et la capsule articulaire dans le groupe FADIR-positif. À aucun moment il n’est mentionné que ces structures sont en "contact direct".
 Extrait de l’étude :
"In the FADIR-positive group, the loose connective tissue space between the gluteus minimus and the capsule was significantly reduced compared to the control group."
→ Cela indique une proximité accrue, mais en aucun cas un contact physique ou fusion des structures.
 Une interaction fonctionnelle, pas physique :
L’alignement des fibres musculaires et capsulaires chez les sujets FADIR-positifs reflète une interaction fonctionnelle accrue, probablement due à la tension ou à la limitation mécanique, mais il ne s’agit pas d’un contact anatomique.
 Extrait de l’étude :
"The fibers of the gluteus minimus and the capsule were oriented in the same direction in the FADIR-positive group, suggesting restricted independent movement."
→ Cela met en évidence une restriction de mouvement, et non un contact physique.
Pourquoi cette interprétation est importante ?
Une mauvaise lecture des conclusions de l’étude pourrait induire en erreur les cliniciens et les praticiens, en leur faisant croire que le gluteus minimus est systématiquement en contact direct avec la capsule articulaire, ce qui n’est pas soutenu par les résultats scientifiques. L’étude ne décrit donc pas un "contact étroit" entre le gluteus minimus et la capsule, mais plutôt une réduction de l’espace conjonctif et une restriction mécanique. Il est essentiel de respecter les termes précis de l’étude afin de ne pas diffuser des informations erronées qui pourraient influencer les pratiques cliniques de manière inappropriée.

CONCLUSION

Un nouveau regard sur
les douleurs de hanche
Cette étude offre une perspective innovante sur les douleurs antérieures de hanche, mettant en lumière l’importance des tissus mous et des interactions entre le gluteus minimus et la capsule articulaire. Pour les kinésithérapeutes du sport, ces résultats appellent à une prise en charge élargie, allant au-delà des pathologies osseuses ou labrales. En intégrant ces connaissances, les praticiens pourront affiner leurs diagnostics, optimiser leurs interventions et mieux accompagner leurs patients, qu’ils soient sportifs ou non.

Selon les auteurs, ces interactions tissulaires représentent une piste prometteuse pour améliorer la réhabilitation et la performance sportive.

L'ÉTUDE

Yoshida, H., Shirai, M., Tani, M., & Kiyota, T. (2024). In vivo interrelationships between the gluteus minimus and hip joint capsule in the hip internal rotation position with flexion. BMC Musculoskeletal Disorders, 25(1), Article 87. https://doi.org/10.1186/s12891-024-07188-5