Les interventions guidées par l’image dans les blessures des muscles du tronc et de la symphyse pubienne : vers une meilleure prise en charge des athlètes

Feb 6 / Arnaud BRUCHARD - ⏱️ 8 MIN -
Les blessures du tronc et de la symphyse pubienne, regroupées sous le terme de Core Muscle Injury (CMI), représentent un défi majeur en médecine du sport. Autrefois désignées sous les appellations de pubalgie du sportif ou hernies du sport, ces pathologies sont aujourd’hui mieux comprises grâce aux avancées en imagerie médicale et en interventions mini-invasives. Elles concernent une dysfonction musculaire et tendineuse affectant le rectus abdominis, les obliques, les adducteurs et parfois le psoas, entraînant des douleurs chroniques limitant la performance et la carrière des sportifs de haut niveau.

Malgré une évolution constante des techniques d’évaluation et de traitement, leur diagnostic reste complexe et leur prise en charge nécessite souvent une approche multidisciplinaire combinant analyse biomécanique, imagerie avancée, rééducation ciblée et interventions thérapeutiques précises.

Cet article explore les apports des interventions guidées par l’image dans l’évaluation et le traitement des blessures de la symphyse pubienne et des muscles du tronc, mettant en lumière leur rôle clé dans l’accompagnement des sportifs vers un retour optimal à la compétition.

POINTS CLÉS

Diagnostic précis par imagerie : 

L’IRM et l’échographie sont essentielles pour identifier les atteintes des adducteurs, du rectus abdominis et de la symphyse pubienne. La fluoroscopie avec contraste affine le diagnostic.

 Infiltrations guidées efficaces 

Les injections de corticoïdes, PRP ou anesthésiques locaux sous échographie permettent de soulager la douleur et de cibler l’inflammation avec précision.

Techniques mini-invasives :

Les approches interventionnelles permettent d’agir directement sur les structures lésées de la symphyse pubienne et des muscles du tronc. L’imagerie assure une précision optimale pour traiter les atteintes tendineuses, ligamentaires et articulaires, réduisant ainsi la douleur et améliorant la récupération fonctionnelle.

Intégration à la rééducation 

Les interventions guidées par l’image doivent être combinées à une réathlétisation progressive pour corriger les déséquilibres et assurer un retour au sport sécurisé.
Cette illustration présente l’anatomie de la symphyse pubienne, mettant en évidence son disque fibrocartilagineux central (en bleu) et les insertions ligamentaires et osseuses (en marron).
 Vue A (antérieure) : Montre la jonction des os pubiens et les ligaments pubiens supérieurs et antérieurs.
 Vue B (inférieure) : Met en évidence la stabilité articulaire et les surfaces d’insertion musculaire.

La symphyse pubienne joue un rôle clé dans la transmission des forces entre le tronc et les membres inférieurs. Son dysfonctionnement, souvent lié aux tensions entre les adducteurs et les muscles abdominaux, est au cœur du Core Muscle Injury (CMI). Les interventions guidées par l’image, notamment l’IRM et les infiltrations ciblées, sont essentielles pour affiner le diagnostic et optimiser le traitement des pathologies de cette région fortement sollicitée chez les sportifs.
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Cette illustration représente l’anatomie fonctionnelle de la région inguinale et pubienne, mettant en évidence les muscles abdominaux, les adducteurs, et les structures vasculaires et nerveuses impliquées dans la stabilisation du bassin et la transmission des forces. Le rectus abdominis (RA) et les adducteurs (AM, AL, G) sont illustrés en rouge, soulignant leur interaction biomécanique au niveau de la symphyse pubienne. L’anneau inguinal (inguinal canal, en vert) et le cordon spermatique (spermatic cord, en blanc) traversent la région, à proximité des structures vasculaires (artères et veines en rouge et bleu). Cette zone est un point clé des Core Muscle Injuries (CMI), où des tensions excessives entre les muscles abdominaux et les adducteurs peuvent engendrer des douleurs chroniques et des pathologies comme la pubalgie du sportif ou des lésions de la paroi abdominale. L’imagerie avancée (IRM, échographie dynamique) permet de mieux visualiser ces interactions et de guider les traitements, notamment les infiltrations ciblées ou les interventions mini-invasives pour optimiser la récupération des athlètes et leur retour au sport.
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Un défi diagnostique : entre biomécanique et imagerie avancée

Les blessures du tronc et de la symphyse pubienne résultent d’un déséquilibre des forces appliquées entre les muscles abdominaux, les adducteurs et les stabilisateurs du bassin. Cette interaction musculo-tendineuse complexe impose une approche diagnostique fine pour différencier les atteintes purement musculaires, tendineuses, articulaires ou osseuses. L’IRM est aujourd’hui l’outil de choix pour évaluer ces pathologies. Elle permet d’identifier des anomalies caractéristiques comme les œdèmes osseux au niveau de la symphyse pubienne, souvent révélateurs d’une surcharge mécanique, ou encore des lésions tendineuses affectant le rectus abdominis et les adducteurs. L’IRM haute résolution, notamment en 3 Tesla, améliore encore la détection des zones d’inflammation chronique et des micro-lésions difficiles à percevoir avec d’autres modalités d’imagerie.

Cependant, dans certains cas, l’IRM seule ne suffit pas à établir un diagnostic précis. L’injection d’un agent de contraste sous guidage fluoroscopique peut alors être utilisée pour cartographier avec précision les structures atteintes, notamment dans les situations où l’atteinte concerne les insertions tendineuses profondes ou les ligaments pubiens. Cette technique est particulièrement pertinente pour distinguer les atteintes isolées des adducteurs de celles associées à une instabilité du bassin ou à une ostéite pubienne. L’intérêt de ces examens va bien au-delà du simple diagnostic. En apportant une vision détaillée de la structure atteinte, ils permettent également de mieux cibler les traitements, d’optimiser les protocoles de rééducation et de prévoir avec plus de précision les délais de retour au sport.
Les injections guidées par échographie de la symphyse pubienne et des structures musculotendineuses environnantes permettent un ciblage précis de l’inflammation et des sources de douleur, améliorant les résultats cliniques chez les athlètes souffrant de douleurs chroniques à l’aine.

Les traitements par infiltrations : une alternative efficace à la chirurgie ?

Si la prise en charge de ces blessures repose avant tout sur une rééducation spécifique et progressive, certaines situations nécessitent des interventions thérapeutiques plus ciblées pour réduire l’inflammation et favoriser la récupération.

 Les infiltrations de corticoïdes et d’anesthésiques locaux, réalisées sous contrôle échographique ou fluoroscopique, sont couramment utilisées pour soulager les douleurs liées aux atteintes inflammatoires de la symphyse pubienne et des insertions tendineuses. En réduisant la douleur et l’inflammation, elles permettent souvent aux athlètes de mieux tolérer les charges progressives imposées en rééducation et de maintenir un certain niveau d’activité sans aggraver leur état.

Au-delà des infiltrations classiques, certaines approches biologiques et régénératives suscitent un intérêt croissant.

 
L’utilisation de plasma riche en plaquettes (PRP) et d’injections de cellules souches vise à stimuler la régénération tissulaire et à favoriser la réparation des structures lésées. Bien que les résultats restent encore variables selon les études, ces traitements pourraient à terme représenter une alternative intéressante aux interventions chirurgicales, notamment dans les cas de douleurs chroniques ou de lésions résistantes aux traitements conventionnels.

Schéma anatomique et fluoroscopie interventionnelle
Cette illustration met en évidence l’anatomie et l’imagerie interventionnelle des insertions musculotendineuses de la symphyse pubienne, une zone clé des Core Muscle Injuries (CMI).
 Image A (schéma anatomique) :
Elle montre la connexion entre le rectus abdominis (RA) et les adducteurs (AL, G) via la symphyse pubienne. Les structures colorées représentent les insertions tendineuses et ligamentaires impliquées dans la transmission des forces :
  • Bleu : Symphyse pubienne et ligament pubien supérieur.
  • Rose : Insertion du rectus abdominis.
  • Jaune : Insertion des adducteurs et leur interaction avec la symphyse.

 Imges B et C (fluoroscopie interventionnelle) :
Ces clichés illustrent une infiltration ciblée sous guidage radiologique au niveau de la symphyse pubienne. La flèche noire indique l’aiguille positionnée pour l’injection d’un agent de contraste, permettant d’évaluer la diffusion du produit et de confirmer l’origine de la douleur.

Cette approche est essentielle pour diagnostiquer avec précision les atteintes des structures musculo-tendineuses et optimiser les traitements, notamment par infiltrations de corticoïdes, PRP ou anesthésiques locaux. Elle joue un rôle clé dans la gestion des douleurs pubiennes chroniques chez les sportifs, en complément d’un protocole de rééducation spécifique.

Un cadre interventionnel exigeant : précision et prise en compte des spécificités anatomiques

L’efficacité des traitements guidés par l’image dépend directement de la précision du geste interventionnel. La symphyse pubienne est une zone anatomiquement complexe, où de nombreuses structures neurovasculaires et tendineuses se chevauchent. La moindre erreur de positionnement peut entraîner des complications ou une inefficacité du traitement.

 L’échographie, en permettant un contrôle en temps réel du trajet de l’aiguille, offre une sécurité accrue lors des infiltrations et des tenotomies. Elle permet d’éviter les injections intra-tendineuses accidentelles qui pourraient aggraver la symptomatologie, tout en garantissant une diffusion optimale du produit dans la zone ciblée.

L’anatomie de la symphyse pubienne étant variable selon l’âge, le sexe et les antécédents sportifs du patient, chaque intervention doit être adaptée aux spécificités individuelles. Chez les femmes, par exemple, la morphologie du bassin et la laxité ligamentaire influencent la transmission des forces et peuvent modifier l’efficacité des traitements. Chez les hommes pratiquant des sports de contact, les traumatismes répétés et les micro-instabilités doivent être particulièrement surveillés pour éviter les récidives.

Enfin, l’aspect psychologique ne doit pas être négligé. Une douleur chronique invalidante, même après un traitement efficace, peut induire une appréhension au mouvement et une altération du schéma moteur. Intégrer une approche globale combinant imagerie, traitement ciblé et réathlétisation progressive est essentiel pour garantir un retour au sport sécurisé et durable.
Les interventions guidées par fluoroscopie et échographie sont devenues des outils essentiels pour le diagnostic et la prise en charge des pathologies liées à la symphyse pubienne, permettant une visualisation en temps réel et une meilleure précision thérapeutique.
Ces illustrations représentent les techniques d'injection guidée par imagerie utilisées pour traiter les pathologies de la symphyse pubienne et des muscles du tronc, notamment dans le cadre des Core Muscle Injuries (CMI).

Image ci-contre : Approches d’injection de la symphyse pubienne
Les schémas montrent deux techniques d’infiltration sous guidage échographique :

  • Axe court (A) : L’aiguille est insérée perpendiculairement à la symphyse pubienne, offrant un meilleur contrôle latéral.
  • Axe long (B) : L’aiguille suit un trajet longitudinal, permettant une meilleure dispersion du produit injecté au sein du fibrocartilage pubien.

Ces injections sont utilisées pour réduire l’inflammation, traiter les douleurs chroniques et améliorer la tolérance aux charges mécaniques chez les sportifs.
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Deuxième image : Injection ciblée des adducteurs sous guidage échographique
L’illustration (A) montre l’injection au niveau de l’origine des adducteurs (AB : adducteur brevis, AL : adducteur long, AM : adducteur magnus) et de la symphyse pubienne. L’image échographique (B) confirme la localisation de l’aiguille (flèche) et la diffusion du produit injecté. Ces techniques permettent une prise en charge précise et efficace des tendinopathies et des douleurs pubiennes chroniques, souvent résistantes aux traitements conventionnels. Elles s’intègrent dans une approche globale associant imagerie avancée, rééducation spécifique et optimisation biomécanique pour favoriser un retour sécurisé au sport.
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Perspectives et évolutions futures

Les interventions guidées par l’image ont considérablement amélioré la prise en charge des blessures du tronc et de la symphyse pubienne en permettant un diagnostic plus précis et des traitements moins invasifs. L’enjeu pour les années à venir est d’affiner encore les protocoles d’intervention et de mieux comprendre l’impact des différentes stratégies thérapeutiques sur le long terme.

L’essor des thérapies biologiques, l’amélioration des techniques d’échographie interventionnelle et la standardisation des prises en charge permettront d’optimiser encore davantage les résultats et de réduire les délais de récupération. Une approche intégrant l'imagerie avancée, rééducation spécifique et interventions ciblées semble être la clé pour proposer aux athlètes une récupération optimale et un retour sécurisé à la compétition.

Alors que les connaissances sur les Core Muscle Injuries et les pathologies de la symphyse pubienne continuent de s’affiner, ces avancées marquent une nouvelle ère dans la prise en charge des sportifs, où la précision du diagnostic et des traitements deviennent des atouts déterminants pour maximiser la performance tout en préservant l’intégrité physique des athlètes.

L'article

Flores, D. V., Lee, J., & Murray, T. (2025). Image-guided interventions for core muscle injury and other disorders in the pubic symphysis. RadioGraphics, 45(2). https://doi.org/10.1148/rg.240148

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