Lésions labrales de la hanche : Un consensus pour une prise en charge plus efficace ?

Feb 5 / Arnaud BRUCHARD - ⏱️ 6 MIN -
Les lésions labrales de la hanche, souvent associées au conflit fémoro-acétabulaire (FAI), constituent une cause fréquente de douleur non arthrosique chez les sportifs et les patients actifs. Pourtant, leur prise en charge demeure sujette à de nombreuses variations selon les praticiens, qu'ils soient médecins du sport, orthopédistes ou kinésithérapeutes. Une récente déclaration de consensus publiée par le groupe AAC-CASEM vient apporter un éclairage essentiel sur le diagnostic, les traitements non chirurgicaux et chirurgicaux, ainsi que la réhabilitation et le retour au sport après une intervention.

Que retenir de cette étude ? Quels sont les éléments qui font consensus et ceux qui restent débattus ? Cet article vous propose une synthèse claire et argumentée des recommandations issues de cette collaboration d’experts.


 

     LES POINTS CLÉS

Diagnostic optimisé et standardisé

  • Un diagnostic précoce permet d’éviter l’errance médicale et les surcoûts.
  • Critères clés : douleur inguinale, tests cliniques (FADIR, FABER), radiographies (AP bassin, Dunn 45°) et arthro-IRM pour confirmation.

Traitement non chirurgical recommandé en première intention

  • Approche basée sur le renforcement musculaire, la stabilisation lombo-pelvienne et l’adaptation des charges.
  • Les injections de corticostéroïdes ont une utilité diagnostique et temporairement thérapeutique. L’efficacité des orthobiologiques reste incertaine.onal experience

Indications chirurgicales précises mais débats post-opératoires

  • Chirurgie réservée aux patients avec douleurs persistantes après 6 mois de rééducation bien conduite.
  • Pas de consensus clair sur les restrictions post-opératoires (appui, attelle) ni sur l’intérêt d’une chirurgie bilatérale.

Retour au sport basé sur des critères fonctionnels

  • Objectifs : récupération complète de la mobilité, force ≥ 90 % du côté sain, tests fonctionnels spécifiques au sport.
  • Délais recommandés : 3 mois pour un débridement, 4-6 mois pour une réparation labrale, avec prolongation pour les sports nécessitant des mouvements de coupe ou de flexion profonde

Un consensus pour uniformiser la prise en charge

Le consensus a été établi à partir d’un processus Delphi modifié, impliquant 40 experts en médecine du sport (50 % étant chirurgiens orthopédistes spécialisés en arthroscopie de la hanche). L’objectif était de clarifier les points de divergence et de dégager des lignes directrices consensuelles sur la gestion des lésions labrales.

Au total, 76 % des recommandations ont atteint un consensus fort ou unanime, ce qui témoigne d’une convergence notable entre spécialistes, mais aussi de zones d’incertitude nécessitant encore des études complémentaires.

Diagnostic : vers une meilleure détection précoce

L’un des constats majeurs de cette étude est que les retards diagnostiques augmentent les coûts médicaux et retardent la prise en charge optimale. En moyenne, un patient souffrant de FAI consulte jusqu’à quatre professionnels de santé et subit plusieurs examens avant d’obtenir un diagnostic précis.

 L’étude met en avant plusieurs critères diagnostiques solides :

  • Les douleurs situées au niveau du pli de l’aine, exacerbées en hyperflexion et lors de mouvements de rotation (douleur de type « catching pain »).
  • Les tests cliniques les plus fiables restent le FADIR (flexion, adduction, rotation interne) et le FABER (flexion, abduction, rotation externe).
  • L’imagerie : un cliché radiographique AP du bassin et une vue de Dunn à 45° sont systématiquement recommandés.
  • L’arthro-IRM est l’examen d’imagerie avancée de choix, bien que son apport soit parfois contesté en raison de son coût et de son accessibilité limitée.
  • Le test d’infiltration diagnostique (Xylotest) permet de confirmer l’origine intra-articulaire des douleurs.

L’ensemble de ces éléments devrait être intégré dans une approche plus systématique du diagnostic afin de limiter les retards et d’optimiser la prise en charge.

Traitement non chirurgical : quand privilégier cette approche ?

Le consensus souligne que le traitement conservateur doit être la première ligne de prise en charge pour la majorité des patients, notamment ceux :

  • Ayant une douleur modérée et contrôlable, sans gêne fonctionnelle majeure.
  • Sans blocages mécaniques sévères (claquements, instabilité).
  • Pratiquant une activité physique modérée (sportifs loisirs, patients plus âgés).

 L’approche thérapeutique repose sur trois piliers :

  1. Rééquilibrage musculaire et contrôle moteur : travail du gainage et du contrôle lombo-pelvien, renforcement des muscles stabilisateurs de hanche (grand fessier, moyen fessier, psoas).
  2. Gestion des contraintes articulaires : adaptation des activités sportives pour éviter les mouvements de flexion/rotation excessive.
  3. Éducation et suivi du patient : rôle clé du kinésithérapeute dans l’apprentissage des auto-exercices et la compréhension des mécanismes de douleur.

 Les injections : un rôle limité mais utile dans certains cas

L’infiltration de corticostéroïdes fait consensus en tant qu’outil diagnostique et anti-inflammatoire temporaire, mais son efficacité à long terme reste controversée. En revanche, l’usage des orthobiologiques (PRP, viscosupplémentation) divise encore la communauté médicale, faute de preuves solides sur leur impact fonctionnel dans cette indication.

Traitement chirurgical : quelles indications précises ?

Si la chirurgie est souvent envisagée trop rapidement, le consensus rappelle que l’arthroscopie de hanche doit être réservée aux patients dont les symptômes persistent après un traitement conservateur bien conduit.

 Les critères qui justifient une intervention sont :

  • Des douleurs rebelles après 6 mois de rééducation ciblée.
  • Des symptômes mécaniques limitants (blocages, accrochages, instabilité).
  • Un patient jeune et actif, avec une espérance fonctionnelle élevée.
  • L’arthroscopie est privilégiée par rapport à la chirurgie ouverte pour ses avantages en termes de récupération et de limitation des complications.

     Toutefois, certains points restent débattus :

  • Faut-il restreindre l’appui post-opératoire ? → L’étude montre un manque de consensus : certains experts préconisent un appui partiel de 2 semaines, d’autres estiment qu’une mise en charge précoce est préférable.
  • Le port d’une attelle post-opératoire est-il utile ? → Aucun consensus n’a été atteint, mais les données actuelles ne montrent pas de bénéfice significatif.

Réhabilitation et retour au sport : vers des critères plus objectifs

La reprise du sport après une chirurgie du labrum reste une étape clé de la récupération. Le consensus propose des critères précis pour valider le retour au jeu (RTP), basés sur des critères fonctionnels et non sur un simple délai temporel.

 Critères recommandés avant le retour au sport :

  • Absence de douleur
  • Récupération complète de l’amplitude articulaire
  • Force ≥ 90 % du côté sain (flexion, abduction, adduction, gainage)
  • Tests fonctionnels spécifiques au sport (endurance, proprioception, réactivité)
  • Évaluation psychologique, souvent sous-estimée mais déterminante

 Délais moyens de reprise selon le type d’intervention :

  • Débridement simple : 3 mois
  • Réparation labrale : 4 à 6 mois
  • Chirurgie bilatérale : récupération plus longue

Les sports impliquant des mouvements de coupe ou de flexion profonde (danse, football, arts martiaux) nécessitent un délai prolongé de reprise pour minimiser le risque de récidive.

Ce qu’il faut retenir

Ce consensus marque une avancée vers une harmonisation des pratiques pour la gestion des lésions labrales. Il met en lumière les points de convergence, tout en soulignant les incertitudes persistantes.

 Implications pratiques pour les kinés du sport :

  • Optimiser le diagnostic précoce pour éviter l’errance médicale.
  • Mieux structurer la rééducation conservatrice en intégrant renforcement et contrôle moteur.
  • S’appuyer sur des critères fonctionnels précis pour guider la reprise du sport.

Alors que la recherche continue d’évoluer sur ce sujet, ces recommandations offrent une base de travail solide pour optimiser la prise en charge des sportifs souffrant de lésions labrales de la hanche.

L'article

Matache, B. A., Belzile, É. L., Ayeni, O. R., De Garie, L., Degen, R. M., Goudie, R., ... & The AAC-CASEM Consensus Group. (2025). Management of Labral Tears in the Hip: A Consensus Statement. The Orthopaedic Journal of Sports Medicine, 13(1), 23259671241305409. https://doi.org/10.1177/23259671241305409

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