Différentes procédures antérolatérales ont un impact variable sur la cinématique et la stabilité du genou lorsqu'elles sont réalisées en association avec une reconstruction du LCA

May 11 / Kinesport
Les résultats d'une reconstruction primaire du ligament croisé antérieur (ACLR) sont excellents, avec environ 90 % des patients obtenant une fonction normale ou presque normale du genou. Cependant, ces résultats ne sont pas universels. Des études ont rapporté 11 à 30 % d'instabilité récurrente et persistante. Cela peut affecter la capacité du patient à reprendre un travail exigeant ou un sport de haut niveau et c'est une cause d'échec de la greffe. Pour résoudre cette laxité rotatoire antérolatérale récurrente, les positions des tunnels ont changé, et une ACLR anatomique à double faisceau a été développée pour améliorer le contrôle de la translation tibiale antérieure et de la rotation tibiale interne. Cependant, ces nouvelles techniques n'ont pas démontré de manière définitive leur supériorité clinique ce qui suggère que chez certains patients, une reconstruction intra-articulaire n'est pas suffisante pour contrôler la laxité rotatoire antérolatérale.
Du fait que différentes publications aient démontré un avantage clinique, il a été suggéré de combiner une ACLR et une procédure antéro-latérale pour améliorer le contrôle de la laxité rotatoire antéro-latérale par rapport à une ACLR isolée. De nombreuses procédures antérolatérales sont disponibles, bien qu'elles puissent essentiellement être divisées en deux grands groupes : la reconstruction du ligament antéro-latéral (ALLR) et la ténodèse latérale extra-articulaire (LET) utilisant une section de la bandelette iliotibiale (ITB). Déterminer quelle procédure antérolatérale contrôle le mieux la laxité rotatoire antéro-latérale avec le moins d'effet négatif sur la cinématique du genou reste un défi aujourd’hui. C’est pourquoi Neri et collaborateurs ont tenté d’investiguer ce sujet à travers cette publication.  

L’étude :

Objectifs :

Comparer la capacité d'une variété de procédures antéro-latérales réalisées en combinaison avec l’ACLR à restaurer la cinématique native du genou dans le cadre d'une lésion du ligament croisé antérieur avec atteinte associée des structures antéro-latérales.
Hypothèse :
La ténodèse latérale extra-articulaire réduirait davantage la rotation tibiale interne (RI) qu'une reconstruction du ligament antéro-latéral, mais entraînerait une contrainte supplémentaire sur le genou.

Méthode :

Configuration expérimentale :

  • Étude contrôlée en laboratoire utilisant 10 genoux cadavériques frais et congelés (3 femmes, 2 hommes)
  • Examen du genou et arthroscopie antéro-interne réalisés pour vérifier le statut du LCA. Spécimens exclus si lésion du LCA (tiroir tibial antérieur positif, pivot shift test positif ou une déchirure arthroscopique du LCA), déformation grave, arthrose grave du genou et chirurgie antérieure du genou.
  • Spécimens fixés et préparés avec des broches bicorticales (tibiales et fémorales) permettant la fixation de capteurs rétroréfléchissants permettant une analyse cinématique : système précédemment évalué par les auteurs à travers une étude pilote que nous vous avions précédemment partagée (Neri & al. 2020).
  • Analyse cinématique de 0° à 90° de flexion de genou.

Définition des repères osseux, de l'axe osseux et des centres articulaires

Techniques et conditions chirurgicales
  • Effectuée par un seul chirurgien orthopédique expérimenté dans tous les spécimens
  • 9 conditions ont été successivement appliquées et analysées :

1. Genou normal et intact
2. Genou déficient en LCA (transection arthroscopique du LCA)
3. Genou déficient en LCA et structures antéro-latérales (capsule antéro-latérale, fibres de Kaplan proximales et distales)
4. ACLR isolée (avec autogreffe ischio-jambier (semitendinosus))
5. ACLR et ALLR combinés
6. ACLR et Ellison modifiée combinés
7. ACLR et Lemaire profonde modifiée
8. ACLR et Lemaire superficielle modifiée
9. ACLR et MacIntosh modifiée

Les données cinématiques ont été enregistrées pour les neuf affections consécutives du genou suivantes

Que mettent en évidence les auteurs ?

La reconstruction isolée du ligament croisé antérieur n'a pas permis de rétablir la cinématique du genou dans un genou présentant une déficience combinée du ligament croisé antérieur et des structures antéro-latérales, ce qui suggère que les blessures antéro-latérales non traitées peuvent entraîner une laxité rotatoire résiduelle et qu'une intervention antéro-latérale peut être nécessaire.

Parmi les interventions antéro-latérales investiguées, seule l'addition de la reconstruction du ligament antéro-latéral (ALLR) ou de la procédure d'Ellison modifiée a rétabli la cinématique native du genou. Les ténodèses de Lemaire superficielle modifiée, Lemaire profonde modifiée et de MacIntosh modifiée ont permis un contrôle supplémentaire de la rotation tibiale interne mais ont trop contraint la cinématique du genou.

En ce qui concerne l'effet du passage de la greffe de la bandelette ilio-tibiale au-dessus ou en dessous du ligament collatéral latéral, la comparaison cinématique a démontré que la LET avec une greffe passée au-dessus du ligament collatéral latéral (Lemaire superficiel) entraine plus de sur-contrainte en flexion complète que la LET avec une greffe passée sous le ligament collatéral latéral (Lemaire profond ou MacIntosh modifié). Bien que les auteurs partagent des hypothèses plutôt qu’une explication claire sur le plan biomécanique, il semble que la procédure de Lemaire superficielle modifiée ait tendance à être plus serrée en flexion complète par rapport aux procédures de Lemaire profonde modifiée et de MacIntosh modifiée, qui sont plus serrées proche de l'extension.

Données cinématiques (moyenne ± ET, en degrés) en rotation interne, rapportées tous les 15° de flexion, de 0° à 90° de flexion du genou, pour les neuf conditions de genou testéesComparaison cinématique de 0 à 90" de flexion, lorsque le genou est en rotation interne entre les différentes conditions du genou
Sur la base de leurs résultats, Neri et collaborateurs suggèrent différentes indications.

  • Dans le cadre d’une ACLR primaire avec atteinte du ligament antéro-latéral et du complexe antéro-latéral, l'objectif principal est de restaurer une cinématique intacte et de protéger le greffon pendant son intégration. Bien qu'il n'y ait pas de consensus clair sur l'indication de l'ajout d'une reconstruction extra-articulaire à une ACLR, certains auteurs préconisent leur utilisation dans les cas de blessures combinées du LCA et de structure antéro-latérale (lésion du LCA confirmée par IRM ou échographie, fracture de Segond) et/ou chez les patients à haut risque (Sonnery-cottet & al. 2017). Pour ces blessures/patients, la présente étude suggère que si nécessaire, l'ajout de la procédure ALLR ou de la procédure d'Ellison modifiée pourrait fournir un contrôle rotatoire supplémentaire, protégeant le greffon du LCA sans risquer une sur-contrainte.
  • Dans le cadre d'une reprise chirurgicale, notamment en cas de laxité plus chronique et importante, où la priorité est d'éviter une nouvelle rupture du greffon chez un patient à haut risque, le contrôle supplémentaire de la rotation fourni par les ténodèses de MacIntosh modifiée et Lemaire modifiée peut être préféré.

Conclusion

Dans un cadre biomécanique in vitro, l’ACLR isolée n'a pas permis de restaurer la cinématique globale du genou intact dans un genou présentant une lésion combinée du LCA et de structures antéro-latérales, ce qui justifie la réalisation d'une ACLR en combinaison avec une procédure antéro-latérale dans des populations sélectionnées de manière appropriée. Une comparaison d'une variété de procédures antéro-latérales actuellement utilisées a révélé que l'ajout d’une reconstruction du ligament antéro-latéral ou de la procédure d'Ellison modifiée rétablissait la cinématique native globale du genou. Bien que les ténodèses superficielles, profondes de Lemaire et de MacIntosh aient permis d'obtenir un excellent contrôle de la rotation, les auteurs ont constaté que ces procédures ajoutaient une contrainte supplémentaire à la rotation tibiale interne, entraînant un changement de la cinématique du genou intact.

L'article

Neri, T., Dabirrahmani, D., Beach, A., Grasso, S., Putnis, S., Oshima, T., Cadman, J., Devitt, B., Coolican, M., Fritsch, B., Appleyard, R., & Parker, D. (2021). Different anterolateral procedures have variable impact on knee kinematics and stability when performed in combination with anterior cruciate ligament reconstruction. Journal of ISAKOS, 6(2), 74–81. https://doi.org/10.1136/jisakos-2019-000360