Du fait que différentes publications aient démontré un avantage clinique, il a été suggéré de combiner une ACLR et une procédure antéro-latérale pour améliorer le contrôle de la laxité rotatoire antéro-latérale par rapport à une ACLR isolée. De nombreuses procédures antérolatérales sont disponibles, bien qu'elles puissent essentiellement être divisées en deux grands groupes : la reconstruction du ligament antéro-latéral (ALLR) et la ténodèse latérale extra-articulaire (LET) utilisant une section de la bandelette iliotibiale (ITB). Déterminer quelle procédure antérolatérale contrôle le mieux la laxité rotatoire antéro-latérale avec le moins d'effet négatif sur la cinématique du genou reste un défi aujourd’hui. C’est pourquoi Neri et collaborateurs ont tenté d’investiguer ce sujet à travers cette publication.
Objectifs :
Comparer la capacité d'une variété de procédures antéro-latérales réalisées en combinaison avec l’ACLR à restaurer la cinématique native du genou dans le cadre d'une lésion du ligament croisé antérieur avec atteinte associée des structures antéro-latérales.
Hypothèse :
La ténodèse latérale extra-articulaire réduirait davantage la rotation tibiale interne (RI) qu'une reconstruction du ligament antéro-latéral, mais entraînerait une contrainte supplémentaire sur le genou.
Méthode :
Configuration expérimentale :
- Étude contrôlée en laboratoire utilisant 10 genoux cadavériques frais et congelés (3 femmes, 2 hommes)
- Examen du genou et arthroscopie antéro-interne réalisés pour vérifier le statut du LCA. Spécimens exclus si lésion du LCA (tiroir tibial antérieur positif, pivot shift test positif ou une déchirure arthroscopique du LCA), déformation grave, arthrose grave du genou et chirurgie antérieure du genou.
- Spécimens fixés et préparés avec des broches bicorticales (tibiales et fémorales) permettant la fixation de capteurs rétroréfléchissants permettant une analyse cinématique : système précédemment évalué par les auteurs à travers une étude pilote que nous vous avions précédemment partagée (Neri & al. 2020).
- Analyse cinématique de 0° à 90° de flexion de genou.
Techniques et conditions chirurgicales
- Effectuée par un seul chirurgien orthopédique expérimenté dans tous les spécimens
- 9 conditions ont été successivement appliquées et analysées :
1. Genou normal et intact
2. Genou déficient en LCA (transection arthroscopique du LCA)
3. Genou déficient en LCA et structures antéro-latérales (capsule antéro-latérale, fibres de Kaplan proximales et distales)
4. ACLR isolée (avec autogreffe ischio-jambier (semitendinosus))
5. ACLR et ALLR combinés
6. ACLR et Ellison modifiée combinés
7. ACLR et Lemaire profonde modifiée
8. ACLR et Lemaire superficielle modifiée
9. ACLR et MacIntosh modifiée
La reconstruction isolée du ligament croisé antérieur n'a pas permis de rétablir la cinématique du genou dans un genou présentant une déficience combinée du ligament croisé antérieur et des structures antéro-latérales, ce qui suggère que les blessures antéro-latérales non traitées peuvent entraîner une laxité rotatoire résiduelle et qu'une intervention antéro-latérale peut être nécessaire.
Parmi les interventions antéro-latérales investiguées, seule l'addition de la reconstruction du ligament antéro-latéral (ALLR) ou de la procédure d'Ellison modifiée a rétabli la cinématique native du genou. Les ténodèses de Lemaire superficielle modifiée, Lemaire profonde modifiée et de MacIntosh modifiée ont permis un contrôle supplémentaire de la rotation tibiale interne mais ont trop contraint la cinématique du genou.
En ce qui concerne l'effet du passage de la greffe de la bandelette ilio-tibiale au-dessus ou en dessous du ligament collatéral latéral, la comparaison cinématique a démontré que la LET avec une greffe passée au-dessus du ligament collatéral latéral (Lemaire superficiel) entraine plus de sur-contrainte en flexion complète que la LET avec une greffe passée sous le ligament collatéral latéral (Lemaire profond ou MacIntosh modifié). Bien que les auteurs partagent des hypothèses plutôt qu’une explication claire sur le plan biomécanique, il semble que la procédure de Lemaire superficielle modifiée ait tendance à être plus serrée en flexion complète par rapport aux procédures de Lemaire profonde modifiée et de MacIntosh modifiée, qui sont plus serrées proche de l'extension.
Sur la base de leurs résultats, Neri et collaborateurs suggèrent différentes indications.
- Dans le cadre d’une ACLR primaire avec atteinte du ligament antéro-latéral et du complexe antéro-latéral, l'objectif principal est de restaurer une cinématique intacte et de protéger le greffon pendant son intégration. Bien qu'il n'y ait pas de consensus clair sur l'indication de l'ajout d'une reconstruction extra-articulaire à une ACLR, certains auteurs préconisent leur utilisation dans les cas de blessures combinées du LCA et de structure antéro-latérale (lésion du LCA confirmée par IRM ou échographie, fracture de Segond) et/ou chez les patients à haut risque (Sonnery-cottet & al. 2017). Pour ces blessures/patients, la présente étude suggère que si nécessaire, l'ajout de la procédure ALLR ou de la procédure d'Ellison modifiée pourrait fournir un contrôle rotatoire supplémentaire, protégeant le greffon du LCA sans risquer une sur-contrainte.
- Dans le cadre d'une reprise chirurgicale, notamment en cas de laxité plus chronique et importante, où la priorité est d'éviter une nouvelle rupture du greffon chez un patient à haut risque, le contrôle supplémentaire de la rotation fourni par les ténodèses de MacIntosh modifiée et Lemaire modifiée peut être préféré.