Renforcement musculaire du membre inférieur et douleur fémoro-patellaire : quelle stratégie privilégier ?

Feb 14 / ARNAUD BRUCHARD - ⏱️ 7 MIN -
La douleur fémoro-patellaire (DFP) est une pathologie fréquente chez les sportifs et les patients actifs, affectant particulièrement ceux pratiquant la course à pied, le cyclisme ou des sports impliquant des sauts répétés. Cette affection se manifeste par une douleur diffuse autour ou derrière la rotule, exacerbée lors de mouvements sollicitant fortement l’articulation du genou comme les montées et descentes d’escaliers, les squats ou les flexions prolongées.
Depuis plusieurs années, la prise en charge rééducative de la DFP repose sur des approches non chirurgicales, mettant en avant l’exercice thérapeutique comme un levier essentiel. Cependant, une question majeure persiste : est-il plus efficace de renforcer les muscles de la hanche ou ceux du genou pour réduire la douleur et améliorer la fonction du genou ?
Une méta-analyse récente, publiée dans l’European Journal of Medical Research, a comparé ces deux stratégies afin d’identifier l’approche la plus pertinente. L’étude a analysé les effets du renforcement musculaire sur la douleur, la fonction articulaire et la force musculaire, en se basant sur un large échantillon de patients atteints de DFP.

#1 Priorité au renforcement de la hanche

Les exercices ciblant les abducteurs et rotateurs externes de la hanche sont plus efficaces que le renforcement du quadriceps pour réduire la douleur fémoro-patellaire et améliorer la fonction du genou.

#2 Influence biomécanique majeure

Une faiblesse des stabilisateurs proximaux altère la cinématique du fémur, augmentant les contraintes sur la patella et favorisant la persistance de la douleur.

#3 Optimisation de la rééducation

Les patients intégrant un programme de renforcement de la hanche montrent une récupération plus rapide et une diminution plus marquée de la douleur par rapport à ceux suivant un protocole centré uniquement sur le genou.

Méthodologie et cadre de l’étude

Cette méta-analyse a examiné 12 études comprenant un total de 1 066 patients présentant une douleur fémoro-patellaire. La qualité méthodologique des essais inclus a été évaluée selon l’échelle PEDro, un outil de référence pour juger la rigueur des études en rééducation.

Les chercheurs ont mesuré plusieurs indicateurs clés : l’intensité de la douleur à l’aide de l’échelle visuelle analogique (VAS), la fonction du genou via l’anterior knee pain scale (AKPS), ainsi que la force musculaire des principaux groupes impliqués dans la stabilisation du genou.

Deux types de programmes de renforcement ont été comparés : d’un côté, ceux centrés sur les muscles de la hanche, notamment les abducteurs et les rotateurs externes, et de l’autre, ceux ciblant les extenseurs du genou, principalement le quadriceps.
Le renforcement des muscles de la hanche, notamment des abducteurs et des rotateurs externes, est plus efficace que le renforcement du quadriceps pour réduire la douleur fémoro-patellaire et améliorer la fonction du genou.
 

Les résultats : quel renforcement privilégier ?

L’analyse des données révèle que le renforcement musculaire de la hanche présente des bénéfices plus marqués que celui du genou, tant sur la réduction de la douleur que sur l’amélioration de la fonction articulaire.

Les patients ayant suivi un programme axé sur le renforcement des muscles de la hanche ont rapporté une diminution plus significative de leur douleur et une meilleure récupération fonctionnelle. Les résultats montrent que le travail des abducteurs et des rotateurs externes de la hanche permet de mieux stabiliser le genou, réduisant ainsi les contraintes mécaniques appliquées à l’articulation fémoro-patellaire. En comparaison, le renforcement du quadriceps seul, bien qu’ayant un effet positif, s’est révélé moins efficace pour améliorer le contrôle neuromusculaire global et prévenir les récidives.

Sur le plan de la force musculaire, les exercices ciblant la hanche ont permis une augmentation significative de la force des abducteurs et des rotateurs externes, renforçant ainsi leur rôle stabilisateur. À l’inverse, le travail des extenseurs du genou n’a pas entraîné de gains de force aussi marqués et semble moins influent sur la correction des déséquilibres biomécaniques sous-jacents à la DFP.

Pourquoi la hanche joue-t-elle un rôle clé ?

Les recherches en biomécanique ont démontré que la stabilité du membre inférieur dépend en grande partie des muscles de la hanche. Une faiblesse des abducteurs et des rotateurs externes modifie la cinématique fémorale, entraînant une adduction excessive et une rotation interne du fémur lors des mouvements fonctionnels. Cette altération de l’alignement du membre inférieur augmente la pression sur la face postérieure de la rotule et perturbe le glissement physiologique de la patella dans la trochlée fémorale, un facteur clé dans le développement de la DFP.

De plus, un mauvais contrôle postural et neuromusculaire de la hanche entraîne une surcharge compensatoire des extenseurs du genou. Cette surcharge crée un cercle vicieux : plus les quadriceps travaillent en excès pour compenser une instabilité proximale, plus la douleur fémoro-patellaire s’intensifie. Ainsi, se concentrer uniquement sur le renforcement du quadriceps sans traiter les déficits proximaux pourrait expliquer pourquoi certaines prises en charge sont inefficaces ou n’apportent qu’un soulagement temporaire.
Une faiblesse des stabilisateurs proximaux entraîne une altération de la cinématique fémorale, augmentant les contraintes sur la patella et favorisant la persistance de la douleur.
 

Applications pratiques pour les kinésithérapeutes et préparateurs physiques

L’intégration d’un travail ciblé sur la hanche apparaît comme une priorité dans la rééducation des patients atteints de DFP. Plutôt que de se focaliser uniquement sur le quadriceps, il est essentiel d’adopter une approche plus globale en combinant renforcement musculaire et travail fonctionnel.

Les exercices les plus pertinents incluent le renforcement des abducteurs et rotateurs externes de hanche, à travers des mouvements tels que les ponts fessiers avec élastique, les élévations latérales en décubitus, les marches latérales avec bande élastique ou encore les rotations externes de hanche en position assise. Ces exercices doivent être progressivement intégrés à des mouvements plus dynamiques impliquant l’ensemble du membre inférieur, comme les squats latéraux, les descentes contrôlées ou les exercices en appui unipodal.

L’ajout d’exercices de stabilisation dynamique du genou, combinant proprioception et coordination motrice, permet d’améliorer la gestion des contraintes mécaniques et de prévenir la réapparition des douleurs. La combinaison d’un travail isométrique, excentrique et concentrique offre des résultats optimaux pour restaurer la fonction et réduire la douleur sur le long terme.
Les patients bénéficiant d’un programme de rééducation axé sur la hanche montrent une récupération plus rapide et une diminution plus marquée de la douleur par rapport à ceux suivant un protocole centré sur le genou.
 

CONCLUSION

Cette méta-analyse confirme que le renforcement musculaire de la hanche doit être une priorité dans la réhabilitation de la douleur fémoro-patellaire. En optimisant le contrôle neuromusculaire du membre inférieur et en réduisant les contraintes sur la patella, cette approche permet d’obtenir des résultats supérieurs en termes de réduction de la douleur et d’amélioration de la fonction articulaire.

Si le renforcement du quadriceps reste une composante essentielle du programme de rééducation, il ne suffit pas à lui seul pour corriger les déséquilibres biomécaniques sous-jacents. L’intégration d’un travail ciblé sur la hanche et d’une stabilisation dynamique du membre inférieur semble être la clé d’une prise en charge efficace et durable de la DFP.

L'article

Zhang, Z., Zhang, Z., Zheng, B., Yang, Y., & Sun, Y. (2025). Effects of lower limb strengthening training on lower limb biomechanical characteristics and knee pain in patients with patellofemoral pain: A systematic review and meta-analysis. European Journal of Medical Research, 30(90).