Impact du sommeil sur la performance athlétique : une revue systématique

Nov 28 / KINESPORT

Introduction

Dormir est un besoin physiologique crucial pour l’être humain, et un déficit de sommeil a un impact négatif sur la santé, en particulier sur le système immunitaire, endocrinien, ainsi que sur les fonctions physiques et cognitives. Les recommandations actuelles sont de 7 à 9 heures de sommeil par nuit. Chez les athlètes, la durée de sommeil doit être de 8 heures par nuit pour favoriser une récupération optimale, mais de nombreux sportifs de haut niveau dorment moins de 7 heures à cause de facteurs liés ou non à leur sport ; voyages transméridiens avec rupture du rythme circadien, excitation cognitive, compétition, entrainement à haute intensité, entrainement tôt le matin, demande sociale (sponsors), croyances et habitudes, responsabilités familiales …
Avis du pôle scientifique Kinesport
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Cette revue systématique critique est un article à risque de biais modéré. La majorité des critères méthodologiques majeurs sont respectés. Cependant, la qualité des études évaluées à haut risque de biais n’a pas été prise en compte lors de l’interprétation et/ou la discussion des résultats. Ainsi, les résultats sont à prendre avec précautions car ils peuvent être sur ou sous-estimés par les articles à haut risque de biais et donc ne pas refléter la réalité.
Malgré des résultats hétérogènes, une diminution de la performance physique et cognitive est généralement observée après une nuit de sommeil restreinte. Plusieurs études ont montré qu’une restriction partielle de sommeil (durée de nuit inférieure à 4 heures) affectait la force, la puissance et l’endurance musculaire ainsi que les compétences motrices impliquant une haute contrainte cognitive. À ce jour, les recherches sur le sommeil des athlètes se sont concentrées sur la nutrition, l’hygiène de sommeil et l’augmentation de la durée de sommeil et/ou les siestes. Bonnar et al ont montré dans une précédente revue systématique que rallonger la durée de sommeil était l’intervention la plus efficace pour améliorer la performance des athlètes, alors que la sieste, l’hygiène de sommeil et la récupération post-entrainement montraient des résultats mitigés. Cependant, cette revue a été publiée il y a 5 ans et de nombreuses recherches sur le lien entre le sommeil et la performance sportive ont depuis été menées. L’objectif de cette revue systématique est donc de mettre à jour les résultats de Bonnar et al et de synthétiser la littérature la plus récente sur les différentes interventions liées au sommeil et leurs effets sur la performance chez les athlètes. 

Méthode

Cette revue systématique a été menée en suivant les recommandations PRISMA et l’approche PICO. Aucune limite d’âge ou de sexe n’a été appliquée. La recherche d’article a été réalisée en Mai 2022 par deux examinateurs sur les bases de données PubMed, SPORTDiscus et Web of Science. 
Pour être incluses, les études devaient présenter les critères d’inclusions suivants : 
  • Athlète en individuel ou en équipe pour les participants
  • Intervention avec pour objectif d’améliorer le sommeil
  • Avoir au moins une mesure objective de la récupération / performance
  • Présenter une relation entre sommeil et performance
Les études sur les arbitres, les militaires, celles présentant uniquement des mesures subjectives d’évaluation de la performance ou celles ayant inclus des médicaments pour améliorer le sommeil ont été exclues.
Les données extraites des études portaient sur la localisation de l’étude, son format, le type de sport, les caractéristiques de l’échantillon, le type d’intervention, l’évaluation du sommeil (questionnaire, polysomnographie, …), l’évaluation de la performance/récupération et les mesures physiologiques en découlant (countermovement jump, créatine kinase, variabilité cardiaque …) et les résultats principaux.

Résultats

25 études, publiées entre 2011 et 2021, ont été incluses dans cette revue systématique. L’âge des participants allait de 13 à 33 ans et 17 sports ont été représentés. 17 études ont inclus seulement des hommes, 3 seulement des femmes et 5 avaient une population mixte. Le niveau des athlètes était hautement hétérogène : athlètes entraînés, hautement entraînés et d’élite. Enfin, sur l’ensemble des articles, 5 ont été considérés comme à haut risque de biais. 

 Sommeil et performance cognitive 

Les siestes, la prolongation du sommeil et la luminothérapie ont eu des effets positifs sur les performances cognitives. En revanche, le retrait des appareils électroniques et l'hygiène du sommeil n'ont révélé aucun effet.

 Sommeil et performance physique 

Les interventions sur les siestes ont montré des effets contradictoires puisque 5 études ont trouvé des effets positifs de la sieste, une autre a montré des effets positifs mais la sieste avait été combinée avec la caféine, trois n’ont montré aucun effet et une étude a montré un effet négatif. Toutes les études sur l'extension du sommeil, la luminothérapie et les interventions de pleine conscience ont montré des améliorations de la performance physique. Enfin, le retrait des appareils électroniques ou la combinaison de la pleine conscience et de l'hygiène du sommeil n'ont pas eu d'effet sur les mesures de la performance physique. 

 Sommeil et récupération 

L'immersion en eau froide et l'hygiène du sommeil n'ont eu aucun impact sur la récupération des performances, les dommages musculaires ou l'inflammation. Les siestes ont eu un impact positif sur les lésions musculaires et l'inflammation, bien qu'elles n'aient eu aucun effet sur la variabilité cardiaque. La combinaison de l'hygiène du sommeil, de l'immersion en eau froide et de la compression corps entier a eu un effet positif sur les douleurs musculaires et articulaires.

Discussion

Cette revue systématique a synthétisé les preuves concernant les interventions visant à améliorer le sommeil et à déterminer si cette amélioration pouvait influencer la performance et/ou la récupération. Vingt-cinq études portant sur différents sports et interventions sur le sommeil ont été analysées. Les résultats ont confirmé que les siestes et l'allongement du sommeil étaient les interventions les plus prometteuses pour améliorer le sommeil ainsi que les performances physiques et cognitives.

Toutes les études incluses qui ont mis en œuvre une prolongation du sommeil ont montré un impact positif sur les résultats de la performance. De plus, certaines études ont révélé que les athlètes de haut niveau déclaraient avoir besoin d'environ 8,3 heures de sommeil pour se sentir reposés. Malgré ce besoin de sommeil auto-déclaré, seuls 3% des athlètes ont obtenu la quantité de sommeil nécessaire. Les résultats ont montré que l'allongement de la durée du sommeil de 46 à 113 minutes (soit une augmentation de 11 à 27%) sur 3 à 49 nuits chez les athlètes qui dormaient habituellement 7 heures par nuit pourrait donc être une recommandation logique pour les futurs programmes d'allongement du sommeil. En revanche, les caractéristiques individuelles et les habitudes de sommeil des sportifs doivent être prises en compte avant de mettre en place ce type d’intervention.

La sieste est l'intervention sur le sommeil la plus représentative dans les études incluses ; elle est une stratégie qui permet de compléter la période de sommeil nocturne, offrant ainsi aux athlètes une alternative pour augmenter la durée du sommeil. Dans la plupart des études analysées, les résultats ont révélé un impact positif des siestes sur les performances cognitives. Cependant, des résultats mitigés ont été rapportés pour la performance physique et la récupération. En ce qui concerne la durée de la sieste, les améliorations des performances physiques et cognitives étaient plus importantes pour les siestes de longue durée (90 minutes) que pour les siestes de courte durée (40 minutes) après une nuit normale. Cependant, après une nuit de restriction partielle du sommeil, une sieste courte (20 minutes) était aussi efficace qu'une sieste longue (90 minutes) pour rétablir les performances à leur niveau de base. Des questions subsistent quant aux effets des siestes diurnes sur les variables du sommeil nocturne comme la sensation de somnolence au réveil, en particulier pour les siestes de longue durée. Une période d'au moins 30 minutes devrait être prévue après une sieste pour éviter les effets néfastes de l'inertie du sommeil sur les performances physiques ou cognitives, en particulier pour les siestes de plus de 90 minutes.

Les résultats des interventions d'hygiène du sommeil n'ont montré aucun effet sur la récupération des performances, les marqueurs sanguins de dommages (créatine kinase) et d'inflammation (protéine C-réactive), ou les performances cognitives. L'hygiène du sommeil fait actuellement référence à une liste de comportements, de conditions environnementales et d'autres facteurs liés au sommeil censés favoriser l'amélioration de la durée et de la qualité du sommeil. Une explication possible de cette absence d’effets pourrait être que même s’il y a eu une amélioration de la durée du sommeil, elle pourrait ne pas être suffisante car elle était encore loin des 7 heures de sommeil, qui est la durée minimale recommandée. De plus, le retrait des appareils électroniques avant le coucher n’a montré aucun effet sur le sommeil, les performances et la récupération. Sur la base de ces résultats, et en y ajoutant la difficulté d’adhésion des athlètes à ce genre d’intervention, le retrait des appareils électroniques ne doit donc pas faire partie des premières stratégies pour améliorer le sommeil.

En ce qui concerne les interventions de luminothérapie, deux études ont étudié l'effet de la photothérapie, mais avec des objectifs différents. Zhao et al ont étudié l'effet de la photothérapie du corps entier à la lumière rouge sur la qualité du sommeil et les performances d'endurance. Malgré l'amélioration de la qualité du sommeil et des taux de mélatonine après la thérapie par la lumière rouge, les résultats doivent être interprétés avec prudence car l’outil utilisé pour examiner la qualité du sommeil était inapproprié (échelle de Pittsburgh) et les taux de mélatonine ont été mesurés seulement au réveil. Parallèlement, Rosa et al ont étudié l'effet de la luminothérapie sur le cycle veille-sommeil et le temps de réaction. Ils ont montré que la luminothérapie le soir retardait le cycle veille-sommeil et améliorait le temps de réaction, favorisant des niveaux de vigilance plus élevés à un moment où les athlètes se préparent habituellement à dormir. D'autres études sont nécessaires pour confirmer ces résultats, étant donné que la luminothérapie peut manipuler l'horloge biologique pour permettre aux athlètes de participer à des compétitions le soir, alors que leur niveau de vigilance commence déjà à baisser.

Enfin, les études qui ont examiné l'effet de la pleine conscience seule ou combinée à l'hygiène du sommeil ont montré des résultats prometteurs. Après analyse de différentes études, il est plausible que la pleine conscience puisse améliorer la qualité et/ou la durée du sommeil ; elle pourrait également avoir un impact positif sur les performances physiques et cognitives, comme l'ont montré les études de prolongation du sommeil. Cependant, il reste à clarifier si la pleine conscience a un effet bénéfique direct sur les performances sportives par le biais de la stratégie attentionnelle, car l'entraînement à la pleine conscience semble améliorer les performances dans les sports de précision tels que le tir et le lancer de fléchettes, ou si elle a un effet indirect par l’amélioration générale du sommeil. À l’avenir, ce type d’intervention cognitive devrait être davantage étudié car il pourrait atténuer les effets néfastes de l’éveil cognitif (phénomène lié au stress courant dans le domaine sportif) sur les nuits précédant les compétitions.

Lorsqu’il est question de mettre en place des stratégies d’amélioration du sommeil chez les athlètes, la première étape consiste à organiser une séance d'éducation au sommeil, animée par un spécialiste. L'objectif est de sensibiliser les athlètes et les entraîneurs à l'importance du sommeil pour une performance/récupération optimale et d'expliquer les différentes stratégies qui peuvent être utilisées. Ensuite, les habitudes de sommeil et de veille doivent être définies afin d'identifier les athlètes à risque et d’individualiser les différentes interventions.
Voici un exemple de la démarche à suivre lorsque l’on veut proposer une intervention sur le sommeil afin d’améliorer les performances physiques, cognitives et la récupération :

Conclusion

Sur la base des résultats de cette revue systématique, l'augmentation de la durée du sommeil par le biais de siestes ou de sommeil nocturne peut avoir un impact positif sur la performance physique et cognitive. Si les athlètes dorment habituellement environ 7 heures par nuit, une recommandation générale pourrait être d'augmenter la durée du sommeil jusqu'à 2 heures sur 3 à 49 nuits. Une sieste (20-90 min) peut être ajoutée au sommeil pendant la journée si nécessaire. Outre l'amélioration de la durée du sommeil, les siestes peuvent améliorer les performances après une nuit normale et normaliser les baisses de performances aux niveaux de base après une nuit de restriction partielle du sommeil. En ce qui concerne les stratégies telles que l'hygiène du sommeil, la pleine conscience ou la limitation de l'utilisation d'appareils électroniques avant le coucher, il est plausible que ces interventions puissent avoir un impact positif sur les performances si elles améliorent la qualité et/ou la durée du sommeil. Les stratégies d'exposition à la lumière peuvent être une option pour manipuler l'horloge biologique et augmenter la vigilance des athlètes dans les moments où celle-ci commence à baisser (par exemple le soir). Toutefois, d'autres études sont nécessaires pour confirmer ces résultats.

Référence article

Cunha LA, Costa JA, Marques EA, Brito J, Lastella M, Figueiredo P. The Impact of Sleep Interventions on Athletic Performance: A Systematic Review. Sports Med Open. 2023 Jul 18;9(1):58. doi: 10.1186/s40798-023-00599-z. PMID: 37462808; PMCID: PMC10354314.