Méthodes
Analyse statistique
L’incidence des ruptures du TA a été enregistrée sur une base de 53 joueurs par franchise, 105 entrainements par saison, 16 matchs par saison, et 32 équipes composant la ligue. L’incidence a donc été exprimée en 10 000 expositions/athlètes, ou une exposition/athlète correspondait à une participation à un entrainement ou un match. Des modèles linéaires ont été utilisés pour déterminer des changements dans l’incidence à travers le temps ou des changements en termes de nombre de blessures suivant les années d’expérience du joueur dans la ligue.
Résultats
Entre 2009 et 2016, 101 joueurs ont subi une rupture du TA. L’incidence de ces lésions a plus que doublé au cours de la période étudiée, les chiffres passant de 0,341 blessures pour 10 000 expositions/athlètes en 2009 à 0,731 blessures pour 10 000 expositions/athlètes en 2016 avec une augmentation linéaire de 0,055 blessures pour 10 000 expositions/athlètes par année.
Caractéristiques des joueurs blessés
Sur tous les joueurs ayant subi une rupture du TA, la taille moyenne était de 188cm et le poids moyen de 112,7 kg. La plupart des ruptures sont apparues chez des athlètes âgés entre 21 et 25 ans (51,49%), puis dans la tranche d’âge 26/30 ans (34,65%) et enfin dans la tranche d’âge 31/36 ans (13,86%).
Postes occupés par les joueurs blessés
Les joueurs occupant des postes nécessitant des skills particuliers (quarterback, running back, wide receiver, tight end, corner back, linebacker et safety) sont les plus touchés avec 62,38% de toutes les lésions.
Les joueurs à vocation défensive représentent 55,45% de tous les joueurs blessés mais sans que la différence de pourcentage soit significative avec les joueurs à vocation offensive.
Il est intéressant de noter qu’aucun quarterback n’a subi de lésion du TA.
Les postes les plus touchés sont les defensive end et les linebackers avec respectivement 18,81% et 15,84% de toutes les lésions enregistrées.
Timing
Sur toutes les lésions du TA, 64,36% sont apparues en présaison. Les 35,64% restants ont été enregistrées pendant la saison et pour la très grande majorité (34/36) pendant un match, 2 seulement ont eu lieu à l’entrainement pendant la saison.
Au final, 45 lésions du TA (44,55%) sont apparues pendant un match, incluant les matchs amicaux de présaison et seulement 1 est apparue pendant les playoffs.
Presque 30% des ruptures du TA en présaison ont touché les joueurs rookies au cours de leur première année en NFL, avant même d’avoir pu jouer un premier match de saison régulière.
A contrario, 100% des ruptures pendant la saison ou en playoffs ont été enregistrées chez des joueurs non rookies.
Les faits montrent donc que le nombre de ruptures du TA diminue avec les années d’expérience dans la ligue.
Enfin, sur toutes les ruptures du TA documentées, 36% sont apparues chez des joueurs qui étaient free agents non draftés.
Return to play
Lorsque l’on s’intéresse au RTP, les athlètes draftés sont revenus à un taux de 61,54% (40/65), bien que ce ne soit pas significativement différent du taux de retour des joueurs non draftés qui est de 52,78% (19/36).
Concernant les joueurs rookies ayant subi une rupture du TA, 42,11% ont pu rejouer en NFL quand 62,20% des non rookies sont revenus pour prendre part aux saisons futures.
La moyenne du choix de draft des joueurs ayant dû arrêter leur carrière était le 106ème pick.
De tous les joueurs blessés, 57% (58/101) n’ont pas participé ultérieurement a une saison NFL après leur blessure.
Discussion
Le football américain est un sport particulièrement pourvoyeur de blessures. On compte par exemple 8 blessures pour 1000 expositions/joueur à l’université et 36 blessures pour 1000 expositions/joueur au niveau collège.
Dans cette étude, les tendances ont été analysées et des facteurs variés ont été reliés à une augmentation du risque de blessures au TA. Ces blessures ont un impact notable sur la capacité du joueur à participer et performer en compétition, les données actuelles montrant
que minimum 5 mois sont nécessaires, parfois plus de 12 mois pour certains, afin de revenir à une participation totale au jeu.
42% des athlètes n’ont d’ailleurs jamais pu reprendre part à une saison NFL après leur blessure, étant coupé par le club ou devant prendre leur retraite. Néanmoins, la majorité ont pu reprendre (58%).
Lorsque l’on compare le RTP pour les joueurs rookies ou non rookies, une grande différence apparait. Concernant les rookies s’étant blessé, seulement 42,11% ont pu jouer en NFL, alors que 62,20% des non rookies ont pu reprendre en NFL lors de saisons ultérieures. Cette différence de 20% met en lumière la variété de niveau d’expérience au plus haut niveau et la variété de préparation des athlètes.
Les joueurs non rookies sont le plus souvent expérimentés et sous contrat longue durée, ce qui incite peut-être les franchises NFL à s’assurer du retour au jeu de ces joueurs.
Concernant l’âge des joueurs, il existe une distribution bimodale des blessures au TA avec un pic pour les jeunes joueurs autour de 24 ans et un pic pour les joueurs plus âgés autour de 36 ans.
Ceci pourrait correspondre aux 2 causes différentes de blessures au TA retrouvées. Pour les joueurs les plus jeunes essayant d’intégrer l’équipe et de réussir la transition vers le niveau NFL, les limites physiques doivent être poussées au maximum. Ceci pourrait expliquer l’augmentation du taux de blessure tôt dans la saison, lorsque la place du joueur dans l’équipe est encore incertaine.
A l’inverse, les joueurs les plus âgés pourraient se blesser par mécanisme d’overuse plus tard dans la saison, après avoir pris part à de nombreuses semaines de compétition.
A l’inverse, les joueurs les plus âgés pourraient se blesser par mécanisme d’overuse plus tard dans la saison, après avoir pris part à de nombreuses semaines de compétition.
Il est intéressant de noter que l’âge moyen des blessures du TA en NFL est de 26,7 ans, ce qui inférieur à l’âge retrouvé dans la population générale ou même dans d’autres associations de sports professionnelles comme en NBA par exemple. L’hypothèse avancée étant l’augmentation de la charge sur le TA dans le football américain professionnel, avec des phases de jeu plus courtes, plus intenses et une augmentation des contacts physiques.
Les joueurs les plus touchés sont les « skilled players », qui habituellement ont besoin d’accélération explosive, de changements de direction brutaux ou d’efforts maximaux. Parmi ces joueurs-là, il est attendu des joueurs qui jouent defensive end qu’ils courent autour des joueurs de la ligne offensive, sprintant et effectuant de nombreux changements de directions. Ces mouvements explosifs pourraient être à l’origine d’un risque plus important de rupture du TA pour ces joueurs qui représentent le poste le plus touché en football américain.
Par rapport au niveau d’expérience du joueur, il est intéressant de noter que les blessures des rookies représentent quasiment 30% des ruptures hors saison et en revanche le taux pour ces joueurs inexpérimentés est de 0% en pleine saison. Cela montre la tendance pour ces joueurs à subir pleinement la transition vers la rigueur de la NFL. Au début de leur carrière, les rookies doivent se montrer et prouver leur valeur. Il se peut également qu’ils soient davantage exposés au temps passé sur le terrain dans le but d’être évalués, quand les joueurs vétérans sont économisés pour le reste de la saison.
Ceci met en lumière le fait que les joueurs rookies doivent être suivis de près pendant les mois d’aout, septembre et octobre, avant le début de la saison régulière.
Les informer de ce risque et mettre en place des mesures préventives revêt un intérêt majeur.
Il existe actuellement un manque de données dans la littérature concernant les mesures préventives pour le traitement des tendinopathies d’Achille, mais malgré cela il a été prouvé que la mise en place d’exercices à visée proprioceptive avait tendance à réduire le risque de ruptures non contacts du TA.
Il existe actuellement un manque de données dans la littérature concernant les mesures préventives pour le traitement des tendinopathies d’Achille, mais malgré cela il a été prouvé que la mise en place d’exercices à visée proprioceptive avait tendance à réduire le risque de ruptures non contacts du TA.
Associés à une récupération adéquate lors de la présaison, ou la charge de course est plus élevée, ces exercices pourraient être incorporés à un protocole préventif.
Il a été évalué également l’influence des matchs joués lors du Thursday night games (matchs joués le jeudi soir et retransmis sur les chaines nationales) par rapport aux matchs joués classiquement le dimanche. Il n’a pas été retrouvé de différence significative sur le risque de rupture du TA entre un match joué le jeudi et le dimanche, même si cela pourrait avoir un impact à plus long terme par rapport à la présence de microlésions récurrentes et un temps de récupération plus faible (3j au lieu de 6j habituellement).
En ce qui concerne l’environnement du match, l’analyse a porté sur l’influence du type de terrain et également la météo le jour du match. Il a été démontré que la surface n’a pas d’impact sur le taux de rupture du TA et les joueurs peuvent aussi bien se blesser sur une vraie pelouse que sur pelouse synthétique, ce qui n’est pas nécessairement à extrapoler avec d’autres blessures.
Les lésions du TA se sont produites aussi bien à -17°C qu’à +33°C, avec une moyenne de +20°C au moment de la blessure, ce qui a tendance à challenger la notion comme quoi ces blessures se produiraient davantage à des températures basses.
Les athlètes jouant un jour de grand froid ont tendance à réaliser un warm up plus intense ce qui peut jouer en faveur d’une réduction de risque de rupture du TA lors du match, l’hypothèse contraire étant que les jours plus chauds, l’échauffement est plus court et moins intense, ce qui rendrait l’athlète plus vulnérable à la blessure.
Les limites principales de cette étude sont l’utilisation de données publiques, notamment fournies par la NFL avec des informations parfois manquantes.
La taille de l’échantillon également fait défaut, les ruptures du TA sont relativement peu fréquentes, avec seulement 101 ruptures sur 7 ans, et ce pour les 32 franchises réunies. Cela réduit les possibilités de signification de certains éléments retrouvés dans cette analyse de données rétrospective.
Conclusion
Il s’agit ici du premier article qui s’intéresse à la notion d’expérience au haut niveau en comparant le taux de rupture du TA chez des rookies et des joueurs plus expérimentés.
Un large pourcentage de lésions du TA en présaison a été identifié pour les joueurs rookies. Les nouveaux joueurs en NFL sont donc identifiés comme une population à risque pour la rupture du TA et une cible à privilégier pour la mise en place de protocoles de préventions.
Des mesures protectrices chez les rookies comme la bonne gestion de l’overuse avec des périodes de récupérations adéquates et un focus sur les exercices à visée proprioceptive peuvent être cruciales dans le but de lutter contre une rupture du TA en présaison.
Avec plus de la moitié des rookies ne retournant pas au jeu après rupture du TA, de futures recherches devraient se concentrer sur cette population particulièrement scrutée en avant saison et tenter de les introduire de façon sécuritaire au très haut niveau.